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Comme nous l’avions précisé dans le chapitre concernant la technique de fouille, le matériel archéologique de la tranchée de sondage K2 a été prélevé par lots. Les seules données qui caractérisent la localisation de ces lots sont l’identification du décapage (d1-d5) et, pour les décapages d3-d5, l’identification du secteur (sA-sE). Aucunes coordonnées horizontales ni verticales n’ont été relevées pour le matériel. De plus, les prélèvements ne sont pas corrélés avec les unités stratigraphiques (us0-us46) qui ont été définies lors du relevé de la stratigraphie. Par contre, les unités stratigraphiques stériles en éléments mobiliers sont signalés. 9.1 PostulatsEn se basant sur les remarques précédentes, deux solutions se présentent pour parler des caractéristiques extrinsèques de lieu (Ox(L)) du matériel archéologique :
Pour que nous puissions effectuer une analyse répondant plus ou moins aux exigences de la recherche archéologique moderne, il est nécessaire de compiler le maximum d’information qui concerne les Ox(L) du matériel. Nous optons donc pour la seconde solution en tentant de compléter l’information contextuelle minimale par une approche probabiliste. 9.2 Information brute disponibleL’information brute disponible pour une telle approche est limitée :
9.3 Démarche
9.4 Approximation des surfaces d'apparition des unités stratigraphiques dans le profil9.4.1 Méthodes d'approximationIl n’est pas très aisé d’approximer une surface totalement irrégulière avec des moyens simples non informatisés. Ne disposant pas d’un logiciel adéquat, les surfaces ont été approximées par des mesures manuelles. Trois méthodes empiriques différentes ont été mises en œuvre sur un échantillon de surface ; les résultats obtenus avec ces trois méthodes divergent parfois beaucoup. 9.4.1.1 Méthode des figures simplesC’est une estimation basée sur le postulat suivant : il est possible de remplacer la surface irrégulière à bordure courbe par un assemblage constitué d’un minimum de figures géométriques simples (quadrilatères et triangles). Cet assemblage forme une surface à bords rectilignes. La méthode consiste ensuite à calculer les surfaces simples individuelles et de les additionner pour obtenir une approximation de la surface originelle. L’avantage de cette méthode est la précision de l’approximation si le découpage est fidèle. Les désavantages résident dans l’irrégularité des découpages et dans la multiplication des calculs à effectuer. Exemple :
9.4.1.2 Méthode du comptage simpleCette estimation est basée sur le comptage visuel de carrés de 5 mm2 par transparence. Il suffit de placer une maille de 5 mm sous le calque du relevé stratigraphique, puis de compter le nombre de carrés que couvre la surface à approximer, en compensant aussi précisément que possible les fractions de carrés qui se trouvent à cheval sur la bordure de la surface. Il suffit ensuite de multiplier le nombre de carrés par 0.25 cm2 pour obtenir l’approximation de la surface en cm2. L’avantage de cette méthode est le degré de précision atteint si les compensations sont faites de manière suffisamment précise. De plus, cette méthode est plus aisée à mettre en œuvre pour les surfaces finement ramifiées. Le désavantage réside éventuellement dans le degré d’erreur occasionné par une irrégularité faite lors des compensations de fractions de carrés. Exemple :
9.4.1.3 Méthode du comptage doubleCette méthode est semblable à la précédente, mais elle est basée sur le postulat suivant : si on utilise une méthode identique d’inscription et de circonscription, la moyenne entre une surface inscrite et une surface circonscrite est égale à la surface originelle. Il faut compter d’abord les carrés entièrement inscrits dans la surface (I = nombre de carrés dans la surface inscrite), puis dénombrer les carrés qui sont à cheval sur la bordure (C = nombre de carrés dans la surface circonscrite). Il suffit ensuite de calculer la moyenne arithmétique entre I et C, puis de multiplier cette moyenne par 0.25 pour obtenir la surface approximée en cm2. Le principal avantage de cette méthode réside dans la régularité de l’approximation. Par contre, il semble qu’elle engendre une sur-approximation régulière. Elle est facilement applicable pour des surfaces à ramifications fines. Exemple : · Nombre de carrés dans la surface inscrite=I=4 · Nombre de carrés dans la surface circonscrite=C=36 · Nombre de carrés=(I+C)/2=20 Surface ap = 20 * 0.25 cm2 = 5.0 cm2. 9.4.2 Application de la méthode retenuePour l’approximation des surfaces des unités stratigraphiques, nous avons choisi d’utiliser la dernière méthode, celle du comptage double, malgré ses désavantages, puisque ce sont finalement des pourcentages que nous voulons obtenir ; une surestimation régulière des surfaces ne déforme pas les pourcentages finaux. Le Tab. 4 présente les résultats obtenus en mettant en oeuvre cette méthode d’approximation.
Tab. 2
- Calcul des surfaces des unités
stratigraphiques et des surface des parties d’unités stratigraphiques 9.4.3 Tableau à double entrée us / déc.-sect. des surfaces estiméesRemarques : les surfaces en gras indiquent les
valeurs maximales des colonnes. Les unités stratigraphiques stériles sont
indiquées en grisé. Ces remarques sont également valables pour le tableau
suivant (Tab.
4) et pour ses extraits dérivés. Il faut encore rappeler que les
surfaces des unités stratigraphiques stériles ont été déduites des totaux
de colonnes. [LARGE TABLE; NOT ILLUSTRATED HERE; contact author for e-mail attachment] Tab. 3 - Surfaces des unités stratigraphiques dans les différents décapages-secteurs. 9.4.4 Tableau à double entrée us / déc.-sect. des pourcentages de surfacesAttention : il faut rappeler que le tableau suivant est
unidirectionnel, c’est-à-dire qu'il indique des relations dans le sens
Section (décapage-secteur) vers Unité stratigraphique, et pas le contraire.
Pour prendre un exemple du tableau, on lira "le matériel contenu dans le décapage
d1 possède une probabilité de 96.8% d'appartenir à l'unité stratigraphique
us0". [LARGE TABLE; NOT ILLUSTRATED HERE; contact author for e-mail attachment] Tab.
4
- Pourcentages calculés à
partir des surfaces des unités stratigraphiques 9.4.5 Analyse des résultatsLes pourcentages du Tab. 4 représentent la probabilité que possède le matériel d’une section de la stratigraphie (décapage-secteur) d’appartenir à telle unité stratigraphique. Sur la base de ces pourcentages, la méthode la plus simple pour tenter de déterminer des relations plus ou moins certaines entre matériel et unités stratigraphiques est empirique et aléatoire. Il s’agit de définir aléatoirement des classes de probabilités, puis de ségréguer les relations dans ces classes. 9.4.5.1 Définition des classes de probabilités
Il reste à distribuer les relations selon ces classes. 9.4.5.2 Classe « relations très fortes »Nombre
d’occurrences :
4
Parmi ces relations très fortes, il faut signaler que la section d4sB ne contient pas de mobilier archéologique, donc il faut s’attendre à une absence de matériel dans l’us37. La section d5sB, dont le matériel a 96% de chance d’appartenir à l’us37, contient un seul objet. Dans ce cas, il est presque certain que cet objet ne provient pas de l’us37, mais plutôt de l’us38 (prob. = 4%). Cet exemple nous montre bien les limites de notre approche ; les informations que nous avons obtenues doivent être utilisées avec beaucoup de minutie ; elles ne peuvent en aucun cas être considérées comme des certitudes, mais seulement comme des tendances possibles. Pour le matériel des sections d1 (qui appartient à l’us0 avec une prob. = 97%) et d3sB (qui appartient à l’us32 avec une prob. = 89%), nous pouvons considérer leur attribution respective comme une réalité très certaine. 9.4.5.3 Classe « relations fortes »Nombre
d’occurrences :
2
Pour les lots de matériel de d3sE et de d4sE, attribué à l’us2 (P=77%), respectivement à l’us5 (P=65%), nous les considérons également comme localisés avec des degrés de probabilité suffisants. 9.4.5.4 Classe « relations moyennes »Nombre
d’occurrences :
11
Dans la catégorie des relations moyennes, il faut être attentif au degré de pertinence de l’information obtenue ; il est indispensable d’analyser le contexte des différents dépôts, et particulièrement les liens entre ces dépôts et les structures architecturales précédemment définies. Il est patent que la quantité de mobilier archéologique est plus importante dans la zone interne d’une ruine d’habitat que dans les parements de tourbe, et que le matériel est généralement rare dans les dépôts issus de creusages de grandes fosses, etc. Nous allons donc examiner le contexte de chaque unité stratigraphique susceptible d’avoir livré le matériel des sections à probabilités moyennes. Le matériel de la section d5sE peut appartenir à l’us6 (P=46%) et à l’us5 (P=24%). Il faut rappeler que l’us5 est certainement la résultante du creusage de sédiments de l’us6 dans la zone centrale de l’habitat H1 (cf. Chapitre 8.1.1) (l’us6 contient des dépôts de bandes de coquillages, alors que l’us5 présente des coquillages répartis de manière irrégulière). L’us5 et l’us6 forment la fondation des parements de l’habitat H1. Le matériel archéologique qui provient de ces dépôts est peut-être en relation avec l’habitat H1, mais il pourrait également être antérieur, c’est-à-dire inclus dans des dépôts remaniés par la construction de H1. Cette question ne peut pas être levée sans appui radiochronologique. Dans le même contexte, le matériel de la section d4sE provient probablement aussi des us5-6 (P=65% pour l’us5) ou, partiellement, des us2-3 sus-jacentes (ces us semble être étroitement liées au matériel de la section d3sE). Il s’agira de voir, lors de l’analyse typologique du mobilier, s’il est possible de démontrer des relations de contemporanéité entre le matériel des us5-6, celui des us2-3 et celui qui provient de la zone interne de l’habitat H1 (us10-11). Le matériel de d4sD et de d5sD provient en majeure partie de l’us10 (P=47%), respectivement de l’us11 (P=42%). La présence, dans ces lots, de plusieurs récipients à paroi en fanon de baleine indique un mobilier de zone interne d’habitat, ce qui correspond parfaitement à la structure architecturale H1. L’us11, constituée principalement de glace, a fixé des éléments mobiliers sur le plancher (non observé) de l’habitat. L’us10 sus-jacente est très certainement la résultante de l’effondrement du toit ; elle peut contenir du matériel qui était inclus dans la toiture, et aussi certains éléments de la zone interne (matériel disposé dans les parois internes). On peut considérer que la majorité du matériel des sections d4sD et d5sD est en relation directe avec l’habitat H1 (certains éléments sont peut-être antérieurs et remaniés, mais il est impossible de les ségréguer). Le matériel de d3sC appartient à l’us22 (P=51%) et/ou à l’us24 (P=27%). Il est impossible de distinguer une unité stratigraphique particulière sur la base de la nature de ces deux dépôts. Ces dépôts sont à mettre en relation avec des structures (d’habitat ?) antérieures à la construction de la cache à viande C1 ; la présence de nombreux grands os de mammifères marins, ainsi que la concentration des fanons de baleine, permet de supposer l’existence d’autres structures d’habitat dans un périmètre proche. Le matériel archéologique de d3sC doit être mis en relation avec de telles structures non observées. Les relations qui existent entre le matériel des sections d4sC et d5sC et les us26-28 sont difficile à démêler. La nature de ces dépôts n’est pas suffisamment explicite pour que nous puissions attribuer le matériel à telle unité stratigraphique plutôt qu’à une autre. La présence ne nombreux grands os de mammifères marins dans l’us28 permet de supposer que ce dépôt est en relation avec une structure architecturale importante. Il est probable que ce dépôt ait livré une part importante du matériel archéologique des deux sections d4sC et d5sC. Une relation « moyenne » existe également entre le matériel de la section d4sA et l’us38 (P=44%), ainsi qu’entre ce même matériel et l’us42 qui, rappelons-le, est un dépôts qui se trouve à l’intérieur de la structure d’habitat H2. Il est logique de considérer que le matériel de cette section a plus de chance d’être inclus dans les vestiges de la zone centrale de l’habitat que dans le parement externe (ou à plus forte raison dans la fondation de ce parement). Il est donc plus naturel de considérer que ce matériel provient de l’us42, surtout lorsqu’on constate que plusieurs récipients à paroi en fanon de baleine se trouve dans ce lot. Par contre, on ne peut pas exclure qu’une partie de ce lot provienne de l’us38 attenante. La nature de cette dernière unité stratigraphique indique d’ailleurs une structure remaniée antérieure à la construction de l’habitat H2 (cf. Chapitre 8.1.2 ). Nous verrons lors de l’analyse typologique si certains objets du lot d4sA montrent des variations diachroniques ou non. 9.4.5.5 Classe « relations faibles »Nombre
d’occurrences :
11
9.4.5.6 Classe « relations très faible »Nombre
d’occurrences :
60
9.4.5.7 SynthèsePour résumer les relations entre lots de matériel, unités stratigraphiques et structures observées, nous les synthétisons dans le tableau suivant. Nous tenons compte de certaines relations faibles et très faibles dans des cas particuliers où d’autres critères logiques (présence de structures architecturales, type de sédiment, etc.) permettent de les fonder.
9.5 ConclusionL’approche probabiliste nous a permis de tisser un réseau de relations plus ou moins fortes entre les sections de prélèvement et les unités stratigraphiques, et ainsi de placer un partie importante des éléments mobiliers (42%) dans le contexte des structures architecturales observées. Une fraction non négligeable des objets (38%) peut être mis en relation avec certaines unités stratigraphiques, mais pas avec des structures architecturales explicites. Nous savons que 34.4% du matériel (304 objets) est en relation avec la structure H1, 6.3% du matériel (56 pièces) provient de la structure H2, et 1.1% (10 objets) est à mettre au compte des caches C1-2. L’information contextuelle qui concerne la localisation du matériel a donc augmenté considérablement, bien qu’une grande fraction du matériel ne puisse pas être localisé précisément dans le profil (21%).
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