2. Site Setting
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2. Contexte insulaire et situation du site de Kitngipalak

2.1 Ile St. Laurent

2.1.1 Localisation

L'île St. Laurent (St. Lawrence Island) est la plus grande île de la mer de Béring (fig. 1). Elle s'étend dans un axe général nord-ouest à sud-est. Sa largeur moyenne est d'environ 32 km, entre 62°56.3' et 63°45.3' de latitude Nord, pour une longueur d'environ 160 km, entre 168°45' et 171°50' de longitude Ouest. Localisée à environ 240 km au sud du détroit de Béring, elle est plus proche de la côte de la Tchoukotka (env. 65 km entre le Cap Nord-Ouest et Chaplino, Tchoukotka) que de celle de l'Alaska (env. 190 km entre le Cap Nord-Est et le Cap Rodney, péninsule de Seward). Au large du Cap Sud-Est, à environ 8 km, on trouve l'archipel Punuk composé de trois îlots s'étendant sur un peu plus de 2 km.

Fig. 1

2.1.2 Relief

L'île est principalement d'origine volcanique, mais des dépôts sédimentaires tertiaires ont également été localisés. L'intérieur des terre est marqué par des affleurement rocheux importants, entrecoupés de surfaces extensives de toundra marécageuse ponctués d'innombrables lacs et de cours d'eau. Les principaux massifs se trouvent le long des côtes orientales, septentrionales et occidentales de l'île. Il sont généralement recouverts de neiges pérennes et atteignent des altitudes allant jusqu'à 660 m (Mt. Atuk dans la chaîne Kukulgit). Tous les massifs sont d'origine volcanique, à l'exception de la chaîne Poovoot qui est granitique et sédimentaire. Les côtes sont souvent rocheuses, avec de puissantes falaises de basalte qui se jettent en pentes raides vers des plages caillouteuses ou vers des basses terres graveleuses. Dans les zones de toundra, les côtes sont souvent caractérisées par des lagunes qui s'étendent entre la toundra et d'étroites barres sableuses. Le plus grand complexe lagunaire se trouve sur la côte méridionale et s'étend sur plus de 50 km.

2.1.3 Climat

Toute la région de la mer de Béring est caractérisée par une zone de basse pression qui induit des tempêtes puissantes, notamment celles qui défilent par le détroit de Béring depuis le nord et le nord-ouest. Des vents estivaux très forts sont typiques, mais les tempêtes les plus sévères arrivent durant l'hiver. L'été comme l'hiver sont caractérisés par une pluviométrie moyenne et par des brouillard persistants. D'importantes chutes de neige sont enregistrées en hiver, et l'île est englacée dans la banquise pendant près de huit mois, entre octobre et mai.

Températures (données tirées de Geist et Rainey 1936) :

Gambell  Savunga

Moyenne annuelle 

-5.3 °C -4.9 °C

Maximum 

16.7 °C 19.4 °C

Minimum 

-35 °C -33.9 °C

Pluviométrie (données tirées de Geist et Rainey 1936) :

Moyenne annuelle 

235 mm

Max. moyen 

46 mm  en août  41 mm  en septembre

Min. moyen 

8 mm  en novembre  9 mm  en mars  11 mm  en avril

Max. enregistré 

96 mm  en septembre 1929

Min. enregistré 

0 mm  en juillet 1933

2.1.4 Faune

2.1.4.1 Mammifères terrestres

Septante rennes (Rangifer tarandus) ont été importé sur l'île en 1900 par le Dr. Sheldon Jackson, Agent général de l'Éducation pour l'Alaska, dans le cadre d'un projet de diversification économique. En 1936, ce cheptel de base s'est développé pour atteindre 10'000 têtes. Aujourd'hui, le renne est une part primordiale de l'économie de l'île.

Les mammifères terrestres comprennent notamment, le renard polaire (Alopex arcticus) et l'ours polaire (Thalarctos maritimus). Le renard est régulièrement trappé dans sa phase bleue. De nombreux renards, y compris des renards roux, atteignent l'île par la banquise, mais ils ne se reproduisent pas localement. L'ours polaire atteint l'île par la même voie ; il arrive que des individus restent bloqués sur l'île pendant la période estivale. Rarement, des ours bruns (Ursus arctos) ont été aperçus.

Outre ces prédateurs, des nombreuses espèces de rongeurs ont été répertoriés. La plus grande espèce, le Spermophile (Spermophilus parryii), creuse souvent des terriers dans des monticules anthropisés sur les sites archéologiques.

2.1.4.2 Mammifères marins

Les espèces suivantes sont ou ont été observées le long des côtes ou en mer :

  • Baleine franche du Groenland (Bowhead ; Balaena mysticetus)

  • Baleine grise (Grey Whale ; Eschrichtius robustus)

  • Rorqual commun (Finnback Whale ; Balaenoptera physalus)

  • Rorqual de Rudolphi (Balaenoptera borealis)

  • Cachalot (Sperm Whale ; Physeter macrocephalus ou Physeter catodon)

  • Orque (Pacific Killer Whale ; Orcinus orca ou Orcinus rectipinna)

  • Bélouga (White Whale ; Delphinapterus leucas)

  • Narval (Narwhal ; Monodon monoceros)

  • Morse du Pacifique (Pacific Walrus ; Odobenus divergens)

  • Phoque barbu (Pacific Bearded Seal ; Erignathus barbatus nauticus)

  • Phoque commun (Harbor Seal ; Phoca vitulina)

  • Phoque annelé (Ringed Seal ; Phoca hispida)

  • Phoque marbré (Ribbon Seal ; Phoca fasciata)

  • Phoque du Groenland (Saddle-backed seal ; Phoca groenlandica)

  • Otarie à fourrure (Alaska Fur Seal ; Callorhinus alascanus)

  • Lion de mer de Steller (Steller Sea Lion ; Eumetopias jubata)

  • Vache de mer de Steller (Steller's sea cow ; Rhytina gigas) : espèce éteinte, mais présente dans les traditions orales ; pas d'ossements à ce jour.

2.1.4.3 Avifaune

Les oiseaux abondent sur l'île pendant la période estivale, car les côtes rocheuses et la toundra offrent de nombreux lieux de nichage. Seuls les faucons, les corbeaux et le harfang restent sur l'île toute l'année durant. Les espèces suivantes sont fréquentes en été : alques, marmettes, maquareux, guillemots, goélands, cormorants, canards Eider, oies, cygnes, etc.

2.1.5 Végétation

La flore de l'île est qualifiée de subarctique. La forêt est totalement absente. On trouve aussi bien des plantes à fleur que des graminées, des mousses, des lichens, des bouleaux nains et des saules rampants, des champignons et des algues.

Le bois exploité sur l'île avant l'apparition de l'importation humaine consistait en bois de flottage. Le problème de l'origine exacte de ce bois n'est pas encore intégralement élucidé, mais il semble qu'une majeure part est fourni par le fleuve Yukon (Giddings 1952) et que le solde provient du Kukokswim, en Alaska, et de l'Anadyr, en Tchoukotka. Il s'agit principalement de résineux.

2.1.6 Pétrographie et minéralogie

Les roches et minéraux suivants ont été répertoriés : granites, gabbros, laves basiques, obsidienne, molasses, tufs, shales, bois pétrifiés, or, étain, molybdénite, galène, pyrite, fer, ambre, lignite.

2.1.7 Population humaine

Les autochtones de l'île St. Laurent font partie du groupe ethnique des Yuit (on lit aussi parfois Yupik). La langue originelle est le yupik. Une fraction non négligeable de la population insulaire est immigrée de Tchoukotka, principalement des foyers Yuit du district actuel de Provideniya (Chaplino), mais peut-être également de certains foyers tchouktches. Des liens de parenté étroits existent encore entre les habitants de Chaplino et ceux de l'île St. Laurent.

La population de l'île à fluctué au cours du temps. Entre 1878-1880, deux vagues épidémiques ont défait toute la population orientale et centrale de l'île, ainsi qu'une grande part de la population occidentale, ramenant le nombre d'insulaire à moins d'un tiers des 1500 habitants initiaux. En 1894, la population insulaire comprend seulement 220 personnes regroupées à Sivuqaq et à Pugughileq. Dans les années 1930, la population dépassait à peine 400 personnes regroupées dans deux villages, Gambell (Sivuqaq) près du Cap Nord-Ouest et Savunga au centre de la côte septentrionale. Aujourd'hui, elle atteint près de 1000 autochtones, toujours répartis entre ces deux agglomérations.

La première école occidentale est construite en 1894, conjointement à la Mission presbytérienne. La langue anglaise a principalement été introduite dans les années 1940-50 par une forte présence de l'armée des Etats-Unis d'Amérique sur l'île (base aérienne).

Grâce au Native Claim Act de 1974 la gestion de l'île a passé au main des conseils autochtones insulaires. Ce nouveau pouvoir législatif et exécutif comprend également la gestion du patrimoine culturel. Entre 1930 et 1985, de nombreux autochtones ont développé l'exploitation commerciale du patrimoine archéologique par l'extraction et la vente de mobilier archéologique. Cette exploitation visait presque exclusivement le mobilier en ivoire richement décoré (cultures de l'Okvikien, du Vieux Béringien et du Punukien). Une demande s'est développée parallèlement ; elle provient essentiellement des riches collectionneurs privés du monde occidental (Japon, Etats-Unis, Europe). Ce trafic légal a permis à certaines familles insulaires d'obtenir jusqu'à 90 % de leurs revenus annuel de la revente de mobilier, au détriment des sites archéologiques qui ont parfois été intégralement détruits. Aujourd'hui, ce mode de production semble lentement tomber en disgrâce auprès des anciens insulaires qui tentent, avec peine, de raisonner les exploitants plus jeunes.

2.2 Site de Kitngipalak

2.2.1 Localisation

Le site de Kitngipalak (fig. 2) se trouve sur la côte occidentale de l'île, à environ 22 km au sud de Gambell (Sivuqaq). Ce point est marqué sur les cartes américaines sous le nom de Savukahuk Point (U.S. Geological Survey 1971), coordonnées UTM 63°35'34''N/171°48'48''W. Le nom de Kitngipalak a été fourni aux premiers archéologues par les autochtones eux-mêmes. Un autre point de la côte, situé à quelques kilomètres au sud de Savukahuk Point, est marqué sur la carte sous le nom de Kitnepaluk (c'est-à-dire Kitngipalak). Apparemment, il s'agit là d'une erreur cartographique faite par l'USGS. Les chercheurs et les autochtones s'accordent à donner le nom de Kitngipalak à Savukahuk Point.

Fig. 2

2.2.2 Géographie

Kitngipalak est une langue de terre de 300 m sur 200 m, orientée sud-est nord-ouest, qui s'avance dans la mer (fig. 3). Le cap rocheux escarpé surplombe l'eau d'une altitude d'environ 15 m. Au nord se trouve une large baie dans laquelle une rivière - le Kitnepaluk Creek - débouche (à env. 500 m de la langue de terre). Le large bassin d'accumulation de la rivière, localisé loin à l'intérieur des terres, assure un approvisionnement régulier en eau douce. Avec ses rives plates, cette baie est un lieu de débarquement idéal dans de nombreuses conditions météorologiques et marines. Au sud du cap, la côte est rocheuse. Cette petite péninsule porte une végétation de toundra humide parfois entrecoupée de pierriers. En 1973, il y avait une cabine de chasse près de l'embouchure du Kitnepaluk Creek. En 1985, le nombre de cabines s'élève à trois : deux près du Kitnepaluk Creek et du Mound 1 et une troisième entre l'extrémité occidentale du Mound 2 et le Mound 3 (Crowell 1985:fig. 22).

2.2.3 Sites d'habitats

Trois sites d'habitats (fig. 3) se répartissent à Kitngipalak ; ils ont reçu le code de site XSL-010 dans l'Alaska Heritage Ressources Survey (AHRS) par l'Alaska Archaeological Survey (Crowell 1985:112). Un premier complexe (Mound 1), mesurant environ 150 m sur 95 m, se trouve au niveau de la jonction entre la petite péninsule et la baie septentrionale. Le sondage stratigraphique K2 a été creusé dans ce complexe par l'équipe du Prof. Bandi. Un second complexe (Mound 2), mesurant environ 300 m sur 50 m, s'étend le long de la côte septentrionale de la péninsule ; il comprend plusieurs monticules anthropisés, de forme ovale ou circulaire, qui sont alignés dans un axe général sud-est/nord-ouest. Le sondage stratigraphique K1 (non publié) de Bandi a été aménagé dans ce complexe. Un troisième complexe (Mound 3) est un monticule anthropisé circulaire isolé qui se trouve près de la côte opposée de la péninsule. L'altitude moyenne des ces sites est de 6-8 m au dessus du niveau de la mer.

Fig. 3

2.2.4 Nécropole

La nécropole (fig. 3) de Kitngipalak se trouve à environ 250 m au sud-ouest du sondage K2. Elle est composée de deux groupes de tombes distants de quelque 50 m. L'équipe du Prof. Bandi y a documenté 40 tombes. Quatre sépultures ont été découvertes entre 25 et 50 m à l'est et au sud des deux groupes principaux.

En ce qui concerne les travaux de terrain effectuées sur le site de Kitngipalak, le lecteur voudra bien se reporter au chapitre 5 " Travaux de fouilles sur le site de Kitngipalak ".


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Last updated: 13-04-2001