10. Chronology
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10 Chronologie: datations radiocarbones et éléments chronotypologiques

10.1 Datations radiocarbones

10.1.1 Corpus d'échantillons

Lors de la campagne de fouille du profil K2, onze échantillons ont été prélevés en stratigraphie à la fin des travaux. Un autre échantillon a été prélevé en couche à la fin du premier décapage. Parmi ces douze échantillons, neuf étaient destinés à être datés, alors que les autres étaient prévus pour des analyses palynologiques ou pour la détermination des composantes.

10.1.2 Objectifs

A ce jour, il n’existe aucune datation radiocarbone pour le site d’habitat de Kitnepaluk. De nouvelles datations permettraient éventuellement de solutionner les problèmes suivants :

  • calage chronologique des niveaux inférieurs atteints dans le profil K2 (Punukien ancien ou moyen ?) ;

  • établissement de nouvelles corrélations absolues et/ou relatives entre unités stratigraphiques et éléments chronotypologiques ;

  • établissement de relations chronologiques absolues et/ou relatives avec la nécropole de Kitnepaluk (7 tombes radiochronologiquement datées (Hoffman-Wyss 1987:49)) ;

  • ajout de nouvelles datations radiocarbones au corpus de dates du Punukien alaskan ; ce corpus ne comportait que 9 datations pour quatre sites (Gerlach et Mason 1992:75-76, Tab. 1).

Etant donné le faible nombre de matériel typologiquement datable découvert dans la tranchée K2, des datations permettraient de combler, du moins partiellement, le déficit en information chronologique.

10.1.3 Problème de sélections des échantillons

En 1995, aucun des neuf échantillons n’avait encore été daté. Le Prof. Dr. H.-G. Bandi a obtenu la possibilité de faire dater quelques échantillons au Radiocarbon-Labor de l’Institut de Physique de l’Université de Berne. Le choix des échantillons à analyser m’a été laissé, et deux premiers résultats son disponibles à l’heure de la rédaction de ce mémoire.

Il a été nécessaire de sélectionner les échantillons susceptibles de fournir le plus d’information d’ordre chronologique. Une liste a été établie en classant les échantillons par ordre de priorité. Les critères qui ont présidés à ce classement sont les suivants :

  • la précision de la localisation : elle détermine la corrélation entre datation, unité stratigraphique et matériel archéologique ;

  • la nature de la matière première des échantillons : le problème principal réside dans la datation des restes d’origine marine. Dans notre cas, certains échantillons sont constitués de restes osseux d’origine indéterminée, mais probablement de mammifères marins. Les échantillons de ce type sont affectés par le problème dit « de réservoir » (Stuiver et Reimer 1993:2), c’est-à-dire qu’il contiennent tant du carbone atmosphérique que du carbone marin. Comme on le sait, la concentration du carbone est moindre dans un milieu marin (ou lacustre) de quelque profondeur, en particulier dans le milieu où certains mammifères marins quêtent leur nourriture. Les datations d’échantillons marins ou mixtes (atmosphérique/marin) donnent des dates trop anciennes (jusqu'à 400 ans pour les os de baleine). De plus, les méthodes de correction sont en cours de développement et ne donnent pas encore entière satisfaction lors de la calibration de ces datations. Dans la mesure où le nombre des échantillons est suffisant, nous tenterons d’éliminer l’incertitude liée au ossements de mammifères marins. Les autres échantillons sont constitués de bois ou de cendres. Lors de la fouille de K2, en 1973, aucun échantillon d’essences locales naines (sp. Salix et Betula) n’a été prélevé pour datation ; cela est dû au fait que la technologie de datation d’échantillons de petit module par accélérateur (AMS) n’avait pas encore été développée. Les autres essences de bois disponibles sur l’île (donc dans les sites archéologiques) sont généralement allochtones. Il s’agit souvent d’épicéas (sp. Picea) qui proviennent des deltas des fleuves alaskans (Yukon, McEnzie) et qui sont transportés par voie de flottage jusque sur les côtes des îles de la mer de Béring. La durée du flottage est indéterminée, mais peut atteindre plusieurs décennies. Lors de datation de bois de flottage, l’incertitude est liée au décalage entre la date de l’arrachage de l’arbre dans son milieu initial (date de la mort) et la date de l’exploitation du bois sur le site insulaire distant. Ce décalage n’est pas mesurable et les résultats des datations ne donnent donc qu’un terminus ad quo qu’il s’agira d’évaluer dans le contexte chronoculturel. Toutefois, la distorsion est bien moins importante dans le cas du bois de flottage que dans celui des os de mammifères marins, c’est pourquoi nous privilégions les échantillons de bois.

La sélection des échantillons, à partir des critères décrits ci-dessus, devrait permettre de maximiser l’information chronologique potentielle en minimisant les incertitudes intrinsèques et extrinsèques des échantillons.

10.1.4 Catalogue des échantillons

10.1.4.1 Notation et remarques

Le libellé <Date prél.> contient la date du prélèvement de l’échantillon sur le terrain.

Le libellé <Matière> indique la matière constitutive de l’échantillon.

Le libellé <Localisation> contient la localisation de l’échantillon dans le sondage.

Les informations des trois libellés ci-dessus proviennent du livre de prélèvement tenu sur le terrain.

Le libellé <Précision> détaille l’information contextuelle de la localisation.

Le libellé <Corrélation> contient des résultats provenant de l’approche probabiliste de corrélation entre unités stratigraphiques et lots de matériel archéologique (cf. chapitre précédent).

10.1.4.2 Echantillon H45

Date prél. : 02.07.1973.

Matière : cendres.

Localisation : "paroi arrière gauche de l'habitation, env. 35-40 cm".

Précision : il est impossible de localiser cet échantillon de manière certaine. D’après la date, le prélèvement a dû avoir lieu à la fin de d1, et l’intervalle mentionné est sans doute une profondeur relative (par rapport au niveau initial). Or, à la fin du décapage d1, la seule structure d’habitat apparente à une telle profondeur relative est H2 (cf. Chapitre8.1.2) dans le secteur sA. Cet échantillon a donc pu être prélevé près du sommet de la paroi mise au jour (sommet de la structure verticale SV5). Malheureusement, il n’est jamais fait mention de cendres dans les unités stratigraphiques attenantes à cette paroi (us37, us39, us40).

Corrélations :   nulle, car localisation incertaine.

10.1.4.3 Echantillon H127

Date prél. : 21.08.1973.

Matière : bois.

Localisation : "M 23-25, couche partiellement au-dessus de la glace".

Précision : base de us10, partie inférieure (us10inf) ; profondeur 120-220 cm.

Corrélation : moyenne avec le matériel de d4sD (47 %), faible avec le matériel de d3sD (28 %), faible avec le matériel de d5sD (29 %), très faible avec le matériel de d2 (3 %).

10.1.4.4 Echantillon H128

Date prél. : 21.08.1973.

Matière : os.

Localisation : "M 16, couche 30".

Précision : l’us30 ne contient pas de matériel archéologique.

Corrélation : nulles avec le matériel archéologique, mais permettrait de dater le remplissage de la petite cache à viande C1.

10.1.4.5 Echantillon H129

Date prél. : 21.08.1973.

Matière : os.

Localisation : "M 23-25, couche 10, partie inférieure au-dessus de la glace".

Précision : base de us10, partie inférieure (us10inf).

Corrélation : moyenne avec le matériel de d4sD (47 %), faible avec le matériel de d3sD (28 %), faible avec le matériel de d5sD (29 %), très faible avec le matériel de d2 (3 %).

10.1.4.6 Echantillon H130

Date prél. : 21.08.1973.

Matière : os.

Localisation : "M 11, couche 36".

Précision : l’us36 ne contient pas de matériel archéologique.

Corrélation : nulle avec le matériel archéologique, mais permettrait de dater le remplissage de la grande cache à viande C2.

10.1.4.7 Echantillon H131

Date prél. : 21.08.1973.

Matière : os.

Localisation : "couche 42".

Précision : us42.

Corrélation : moyenne avec le matériel de d4sA (51 %), moyenne avec le matériel de d3sA (50 %), moyenne avec le matériel de d5sA (40 %),  très faible avec le matériel de d2 (4 %).

10.1.4.8 Echantillon H132

Date prél. : 21.08.1973.

Matière : bois.

Localisation : "couche 42".

Précision : us42 ; profondeur 30-170 cm.

Corrélation : moyenne avec le matériel de d4sA (51 %), moyenne avec le matériel de d3sA (50 %), moyenne avec le matériel de d5sA (40 %), très faible avec le matériel de d2 (4 %).

10.1.4.9 Echantillon H133

Date prél. : 21.08.1973.

Matière : os.

Localisation : "M 17, couche 28".

Précision : us28.

Corrélation : moyenne          avec le matériel de d5sC        (56 %),

                       moyenne          avec le matériel de d4sC        (41 %).

10.1.4.10 Echantillon H134

Date prél. : 21.08.1973.

Matière : os.

Localisation : "lentille de cuir et de viande (sommet) au M 21-22".

Précision : sommet de us21.

Corrélation :  très faible avec le matériel de d2 (5 %),

                        très faible avec le matériel de d3sD (2 %),

                        très faible avec le matériel de d1 (0.1 %).

10.1.4.11 Echantillon H135

Date prél. : 21.08.1973.

Matière : bois.

Localisation : "lentille de cuir et de viande (sommet) au M 21-22".

Précision : sommet de us21.

Corrélation :  très faible avec le matériel de d2 (5 %),

                        très faible avec le matériel de d3sD (2 %),

                        très faible avec le matériel de d1 (0.1 %).

10.1.5 Sélection

Echantillons à potentiel corrélatif moyen :

Bois

H 127

 

 

H 132

 

Os

 

H 129

H 131

 

H 133

us.

base us10, partie inférieure

us42

us28

Les échantillons prélevés dans des unités stratigraphiques sans matériel archéologique permettraient d’obtenir des datations qui serviraient de jalons pour des calages en chronologie relative : H128 (petite cache à viande C1), H130 (grande cache à viande C2).

Les échantillons à potentiel corrélatif faible, qui proviennent du niveau récent (éventuellement perturbé) : H134 et H135 (fosse à viande F1).

Echantillons mal documentés provenant du niveau récent (peut-être perturbé), ou éventuellement de la paroi de la structure d’habitat H2 : H45.

Après analyse des caractéristiques de ces échantillons, il est possible d’établir un ordre de priorité pour les datations radiocarbones :

  1. H127 et H132

  2. H129, H131 et H133

  3. H128 et H130

  4. H134 et H135

  5. H45

10.1.6 Datations

Le laboratoire de radiochronologie de Berne nous a donné la possibilité de dater deux premiers échantillons en 1995. Selon la sélection, nous avons fait dater les échantillons H127 et H132. Les résultats sont les suivants :

Echantillon

Id. labo.

Date BP

D14C

d13C

H127

B-6476

1120 ± 30

(-130.4 ± 2.9) ‰

(-26.5 ± 0.1) ‰

H132

B-6475

930 ± 30

(-109.0 ± 2.9) ‰

(-26.7 ± 0.1) ‰

Tab. 1 - Résultats de deux datations radiocarbones.

Pour H127, nous avions estimé le résultat entre 1000 et 800 BP sur des bases chronotypologiques. Le résultat obtenu, bien que plus ancien, est en accord avec le contexte Punukien du site.

L’estimation de la datation de H132 était l’intervalle 1000-700 BP. La prédiction, également basée sur des critères chronotypologiques, s’avère meilleure que pour l’autre échantillon.

10.1.7 Calibration

Ces deux datations ont été calibrées par le laboratoire à l’aide de la version 3.0.3 du logiciel CALIB (Radiocarbon Calibration Program) du Quaternary Isotope Lab de l’Université de Washington. Les résultats sont les suivants :

B-6476 :

Radiocarbon Age BP                   1122   ±   27

Calibrated age(s) cal AD              898, 908, 960

cal AD/BC age ranges obtained from intercepts (Method A) :

             one Sigma**       cal AD 890 - 976

             Summary of above :

             minimum of cal age ranges        (cal ages)                                     maximum of cal age ranges

1s                               cal AD 890         (898, 908, 960)                              976

Selon cette calibration, il y a une probabilité de 68% que l’âge réel de cet échantillon se situe dans l’intervalle calendrier 890-976 ap. J.-C.

B-6475 :

Radiocarbon Age BP                   928   ±   26

Calibrated age(s) cal AD              1055, 1083, 1122, 1138, 1157

cal AD/BC age ranges obtained from intercepts (Method A) :

             one Sigma**       cal AD 1039 - 1165

             Summary of above :

             minimum of cal age ranges        (cal ages)                                     maximum of cal age ranges

1s                               cal AD 1039        (1055, 1083, 1122, 1138, 1157)      1165

Selon cette calibration, il y a une probabilité de 68% que l’âge réel de cet échantillon se situe dans l’intervalle calendrier 1039-1065 ap. J.-C.

Nous avons calibré les deux datations avec le programme OxCal, version 2.15, et nous avons obtenu les résultats suivants :

Référence : M. Stuiver, A. Long and R.S. Kra eds. 1993 Radiocarbon 35(1); OxCal v2.15 cub r:4 sd:123 prob[chron]

DATE B-6476 : 1122 ± 27 BP

1s = 68.2% confidence : 893AD (0.50) 924AD

                                           937AD (0.50)  969AD                                  Þ 895 - 970 ap. J.-C.

2s = 95.4% confidence : 886AD (1.00)  988AD                                  Þ 885 - 990 ap. J.-C.

3s = 99.7% confidence : 858AD (1.00) 1014AD                                 Þ 860 - 1015 ap. J.-C.

 

Nous retiendrons l’intervalle calibré 885-990 ap. J.-C. comme datation de l’échantillon H127 (B-6476). Cet intervalle est un peu plus large que celui proposé par le laboratoire, mais il possède en revanche une probabilité de 95.4% de contenir l’âge réel du bois.

Malgré l’évidente faiblesse de l’effectif (une seule datation), ce résultat permet de caler grossièrement la structure d’habitat H1 (cf. Chapitre 8.1.1 ) dans la chronologie absolue. Rappelons que l’intervalle calibré ne correspond à rien de plus qu’un terminus ad quo pour la structure d’habitat et pour le matériel archéologique concerné.

Référence : M. Stuiver, A. Long and R.S. Kra eds. 1993 Radiocarbon 35(1); OxCal v2.15 cub r:4 sd:123 prob[chron]

DATE B-6475 : 928 ± 26BP

1s = 68.2% confidence : 1044AD (0.60) 1097AD

                                           1115AD (0.32) 1143AD

                                           1154AD (0.09) 1161AD                             Þ 1045 - 1160 ap. J.-C.

2s = 95.4% confidence : 1028AD (1.00) 1176AD                             Þ 1030 - 1175 ap. J.-C.

3s = 99.7% confidence : 1024AD (1.00) 1215AD                             Þ 1025 - 1215 ap. J.-C.

Nous retiendrons l’intervalle calibré 1030-1175 ap. J.-C. comme datation de l’échantillon H132 (mais il faut remarquer qu’à un seuil de 68.2%, 60% de la probabilité se situe dans l’intervalle 1045-1095 ap. J.-C.). Cet intervalle n’est que légèrement plus large que celui proposé par le laboratoire (± 15 années), mais il possède en revanche une probabilité de 95.4% de contenir l’âge réel du bois.

Cet intervalle pourra être utilisé comme terminus ad quo pour la structure d’habitat H2 (cf. Chapitre 8.1.2) et pour le matériel archéologique contenu dans l’unité stratigraphique us42 ; il s’agit principalement du matériel prélevé durant les décapages d3 et d4 dans le secteur sA (mètres M5-10).

10.1.8 Autres datations

Comme nous l’avons souligné précédemment, il reste sept échantillons à dater pour la tranchée K2 de Kitnepaluk. Malheureusement, les résultats de ces datations ne sont pas disponibles au moment de la rédaction de ce mémoire. Il seront probablement intégrés lors d’une analyse ou d’une synthèse ultérieure.

10.2 Éléments chronotypologiques

Pour les cultures du Néoeskimo, les chronotypologies sont basées sur deux types de critères : (1) les critères morphologiques et (2) les critères stylistiques. L’analyse morphologique a joué un rôle très important dans la définition des types de têtes de harpons basculantes ; elle fut utilisée plus rarement pour étudier les autres types de matériel archéologique. L’analyse stylistique s’est portée sur tous les éléments décorés sur matières dures animales, mais en particulier sur les têtes de harpons basculantes. Dans ce chapitre, nous voulons tenter de situer les rares éléments, qui ont une valeur chronotypologique démontrée, dans les chronotypologie développées par différents chercheurs, notamment Collins (1937), Geist et Rainey (1936), et Bandi (Bandi et Bürgi 1971). Mais avant d’opérer cette analyse, il s’agit de présenter notre matériel.

10.2.1 Têtes de harpons de Kitnepaluk K2

Le corpus de matériel de K2 comprend cinq têtes de harpon basculantes finies et quatre ébauches qui montrent différents stades de progression de la chaîne opératoire de façonnage. Parmi les têtes finies, il y a trois pièces entières, dont une tête de harpon à baleine, et deux fragments.

Ces objets se répartissent de la manière suivante dans le profil stratigraphique :

 

sE

sD

sC

sB

sA

d1

Pfd / Es1e

d2

Ped / Gen / Es3e

d3

 

 

 

 

 

d4

 

Ped

 

 

 

d5

 

 

 

 

Es2e

Décapage et secteur indéfinis : Pfn / Es2f

Tab. 2 - Répartition des têtes de harpon finies et ébauchées dans le profil stratigraphique.
Code : P = petite pièce, G = grande pièce, E = ébauche, e = entière, f = fragmentée, d = décorée, s1-s2-s3 = stades d’ébauchage.

10.2.1.1 Descriptions des têtes de harpon finies

Les objets sont décrits dans l’ordre des décapages et des secteurs.

Décapage 

d1

Secteur 

Indéfini

G165j

Objet 

Tête de harpon (fragment proximal) décorée, ivoire

Illustration 

Pl. 7:1

Préservation 

Moitié gauche de la partie proximale. Fractures au niveau de la logette, au dessus de la perforation de   ligature gauche, et à l’extrémité proximale du cran basal

Dimensions 

42 x 19 x 12 mm

Morphologie 

Cran basal simple latéral droit (base concave), logette ouverte rectangulaire, perforation de ligature  rectangulaire allongée associée à une petite rampe de calage de ligature

Décoration 

Lignes convergentes, figures en Y, point au centre de la surface délimitée par l’apex des lignes convergentes et de la figure en Y distale (« tête de poisson »). Style : Punukien ancien

 

Décapage 

d2

Secteur 

Indéfini

G141

Objet 

Tête de harpon décorée, ivoire

Illustration 

Pl. 16:1

Préservation 

Intégrale ; écaillement au niveau du cran basal

Dimensions 

72 x 15 x 11 mm

Morphologie 

Double biseautage distal, étranglement mésial. Cran basal simple latéral gauche à base légèrement concave, logette fermée circulaire, perforation de ligne piriforme (6 x 4 mm), insert de lame distale parallèle à la perforation de ligne. Sections : distale rhombique, mésiale sub-hexagonale, proximale ovale à demi-circulaire

Décoration 

Incisions peu profondes formant huit lignes incurvées encadrées par douze lignes traitillées parallèles ; petite croix incisée au centre du cran basal. Style : Punukien ancien (selon M. Bronsthein:com. pers. 1995)

 

Décapage 

d2

Secteur 

Indéfini

G212a

Objet 

Tête de harpon à baleine, ivoire

Illustration 

Pl. 16:3

Préservation 

Presque intégrale ; traces de percussions secondaires et une surface d’éclatement à l’extrémité du cran basal

Dimensions 

186 x 42 x 23 mm

Morphologie 

Cran basal simple latéral (base concave), logette fermée circulaire (Ø = 11 mm), perforation de ligne ovale (21 x 13 mm), insert de lame distale (L = 48 mm) perpendiculaire à la perforation de ligne, pas de perforation de ligature, cannelure bilatérale entre la perforation de ligne et le centre de la base du cran. Sections : distale rhombique, mésiale rhombique à ovale, proximale ovale

Décoration 

Aucune

 

Décapage 

d4

Secteur 

sD

Structure

Habitat H1 (cf. Chapitre 8.1.1 )

J107b

Objet 

Tête de harpon décorée, ivoire

Illustration 

Pl. 2:1

Préservation 

Intégrale ; début de fracture longitudinale entre la perforation de ligne et la base du cran

Dimensions 

95 x 22 x 11 mm

Morphologie 

Double biseautage distal, étranglement mésial, biseautage concave de la base du cran. Cran basal simple latéral gauche (double biseautage de la pointe), logette ouverte trapézoïdale, perforation de ligne circulaire au centre d’une légère cannelure mésiale bilatérale, insert de lame distale parallèle à la perforation de ligne, perforations de ligature rectangulaires allongées associées à des petites rampes de calages de ligature. Sections : distale trapézoïdale, mésiale sub-hexagonale, proximale sub-hexagonale complexe

Décoration 

Lignes incisées convergentes légèrement incurvées, peu profondes : 8 lignes sur la face supérieure, 6 sur la face inférieure. Points incrustés de matière blanche indéterminée (Ø = 1 mm), répartis entre les parties proximales  et mésiales : 7 points sur la face supérieure, 3 sur la face inférieure, 1 sur l’arête gauche. Motifs de lignes en V intégrés dans les zones de convergence des lignes principales ; les losanges ainsi délimités sont toujours pointés au centre. Style : Punukien ancien

 

Décapage 

Indéfini (nettoyage stratigraphie)

Secteur 

Indéfini

J220zk

Objet 

Tête de harpon (fragment mésial), ivoire

Illustration 

Pl. 22:3

Préservation 

Fragment mésial ; fractures multiples proximales et distales. Préservation de la moitié de la perforation de ligne et de 4 surfaces périphériques

Dimensions 

38 x 18 x 14 mm

Morphologie 

Perforation de ligne circulaire. Section mésiale sub-rhombique

Décoration 

Aucune

10.2.1.2 Comparaisons des têtes de harpon finies

Nous allons reprendre la liste des têtes de harpon finies (fragmentées ou non) et présenter le matériel similaire exhumé sur d’autres sites béringiens, tant sur l’île St. Laurent que sur les côtes de l’Alaska continental et de la Tchoukotka, Sibérie nord-orientale.

G165j :

Ile St. Laurent :

La pièce fragmentée libellée G165j (Pl. 7:1) est comparable à certaines têtes de harpons de Kukulek, côte septentrionale de l’île St. Laurent. D’un point de vue morphologique, outre le cran basal latéral, il est impossible de statuer sur une éventuelle similarité typologique, puisque notre exemplaire est fragmenté. Par contre, au niveau des décorations, il apparaît que les exemplaires des types D, E et F définis par Geist et Rainey (1936:173-175, fig. 21-23) montrent des similarités stylistiques avec notre exemplaire : lignes convergentes, incisions en Y et points placés à l’apex des lignes convergentes (fig. 24). Selon ces auteurs, les types D, E et F sont à mettre en relation avec le Punukien ancien plutôt qu’avec le Punukien récent, caractérisé par des lignes profondément incisées et par des cercles pointés incisés au compas (Ibid.:174).

Fig. 24

Le fragment G165j possède aussi des caractères stylistiques communs avec du matériel exhumé par Collins dans la région de Gambell. Selon sa typologie, notre exemplaire est du type III(a)x ou III(a)y (Collins 1937:118-122), c’est-à-dire avec un cran basal latéral unique, sans inserts de lames latérales, avec un insert de pointe parallèle (III(a)x) ou perpendiculaire (III(a)y) à la perforation de ligne, sans barbelure latérale, et avec une logette de section rectangulaire. Alors que le type III(a)x est présent durant tout le Punukien, il reste un des types majeurs du Punukien ancien ; le type III(a)y est spécifiquement Punukien ancien (Ibid:94). Des têtes de harpon de ces deux types sont très fréquents sur le site de Mayughaaq (Miyowagh). Elles portent généralement des décorations de lignes simples sur lesquelles s’attachent d’autres lignes courtes, ainsi que des points peu profondément forés. Collins a défini ce type de décor comme Punukien/s1/p2 (Ibid.:93). Chronologiquement, il intègre le style 1 dans la phase ancienne du Punukien (Ibid.:96).

Parmi les matériaux publiés par Bandi et Bürgi en 1971-72, ceux de la Ruine 2 de Mayughaaq comprennent quelques têtes de harpon portant des décors qui s’intègrent entre le Punukien/s1/p2 et le Punukien/s2/p1, donc attribuables à une phase de transition entre Punukien ancien et moyen (ou classique). Selon l’auteur, ces décors sont plus spécifiquement Punukien ancien (Bandi et Bürgi 1971/72:96), mais il faut souligner la présence de barbelures relativement longues qui se rattachent aux lignes (Ibid.:98-99:fig. 41-42) ; elles sont moins longues que dans le Punukien/s2/p1, mais plus longues que les lignes très courtes du Punukien/s1/p2. De plus, la profondeur des incisions est plus importantes que dans le style 1. Bien qu’aucun exemplaire ne porte de motif en « tête de poisson » comme notre fragment G165j, il faut noter la présence de motifs rhombiques, notamment localisés entre la perforation de ligne et l’extrémité proximale de l’insert de lame (fig. 25) (Ibid.:98-99:fig. 41:4, 6-7 ; fig. 42 :1, 3-4, 6). Le seul fragment qui corresponde parfaitement au Punukien/s1/p2 est celui qui est illustré sur la fig. 42:4 (Ibid.:99), avec un motif en V très court rattaché à deux lignes convergentes.

Fig. 25

Tchoukotka :

Notre fragment G165j a aussi des analogies avec quelques objets décorés provenant de Tchoukotka. La principale référence disponible à ce jour pour cette région est le rapport des fouilles et des prospections effectuées par S. I. Rudenko en 1945 (ce chercheur a opéré alors qu’il était déporté en Tchoukotka sous le régime du Goulag ; ses résultats ont initialement été publiés en russe en 1947, et une traduction intégrale anglaise a vu le jour en 1961). Quelques objets portent des décors de type punukien dans la collection publiée par Rudenko. Une tête de harpon (type Vy ou V(a)y) porte un décor de lignes incisées sur lesquelles se rattachent perpendiculairement de courtes lignes ainsi que des motifs en Y parfois pointés (Rudenko 1961:45 ; pl. 7:23). Alors que l’auteur attribue cette pièce au Punukien classique, ces motifs correspondent plutôt au Punukien, style 1, phase 2 défini par Collins, c’est-à-dire au Punukien ancien. Elle provient de la région du Cap Est (ou Cap Dezhnev) (fig. 1), soit du village moderne (aujourd’hui abandonné) de Naukan, soit de Nunak (le village préhistorique de Naukan), soit encore de Dezhnevo le village également abandonné entre Naukan et Ekven. Une tête de harpon (type III(a)x) découverte à Chaplino, dans le district de Provideniya (fig. 1)porte également un décor de lignes simples et de points, mais l’illustration ne permet pas de distinguer de motif en Y (Ibid.:57 ; pl. 13:1). Rudenko l’attribue au Punukien, mais le décor permet de l’attribuer plus précisément au Punukien, style 1, phase 2 de Collins, c’est-à-dire au Punukien ancien. Dans la collection provenant des fouilles faites sur le site de Sirheniki, dans le district de Provideniya (fig. 1), une tête de harpon (type III(a)x) porte un motif en V entre deux lignes convergentes, mais la surface rhombique ainsi délimitée n’est pas pointée comme sur notre exemplaire. Ce type de décor peut également être attribué au Punukien, style 1, phase 2 de Collins. Un dernier objet, provenant d’Enmelen (district de Provideniya, fig. 1), porte un décor apparenté à celui de notre fragment. Il s’agit d’un pendentif fragmenté en ivoire avec des lignes simples convergentes auxquelles se rattachent des motifs en Y ; le losange délimité par le Y porte un point (Rudenko 1961:102 ; pl.35:12). Il s’agit également d’un décor Punukien, style 1, phase 2 selon Collins.

G141 :

Ile St. Laurent :

La tête de harpon à logette fermée libellée G141 (Pl. 16:1) est intégralement préservée. Outre une morphologie classique qui nous permet de l’intégrer facilement dans les typologies existantes, cet exemplaire porte une décoration particulière, rarement représentée dans les collections de références.

Selon la typologie de Collins, cette tête s’approche du type V(b)x qui est fréquent dans le Punukien. La seule différence est la perforation de ligne qui, dans notre cas, est de forme plutôt triangulaire que circulaire. Cette forme est plus courante dans le Préhistorique Récent (post-Punukien) et dans le Moderne, mais toutes les autres caractéristiques s’accordent bien mieux avec le Punukien. La longueur de cet exemplaire est assez réduite (72 mm) mais correspond à la moyenne pour les pièces de ce type (60-80 mm). D’un point de vue morphologique, des têtes de ce type ont été retrouvées dans la plupart des sites du Punukien de la région de Gambell, notamment à Mayughaaq (Miyowagh) et Ayveghyaaq (Ievoghiyoq) (Collins 1937:122, 207). Il faut signaler que ce type morphologique trouve son origine dans le Vieux Béringien (Ibid.:110) des sites de Hillside et de Mayughaaq.

La décoration appliquée à cette tête de harpon est particulière, notamment parce qu’elle ne comprend pas de motifs classiques du Punukien, ni motifs en Y, ni barbelures, ni points. Seul le motif en fuseau, formé de deux lignes courbes qui entourent la perforation de ligne, ainsi que les deux lignes continues qui se déroulent entre l’extrémité proximale de l’insert de lame distale et la base de la tête, sont similaires au décors portés par les têtes de ce type dans le Punukien (Collins 1937 :122). Les lignes traitillées ne font pas partie de l’inventaire des décors du Punukien, mais plutôt de ceux du Vieux Béringien et de l’Okvikien. Collins a signalé des lignes brisées accompagnant des motifs punukiens typiques sur une seule tête de harpon de Mayughaaq (Ibid.:121 ; pl.28:15). Rainey présente quelques exemplaires portant des lignes traitillées associées à des motifs okvikiens (Rainey 1941: fig. 4:8, fig. 6:7). Une tête de harpon à baleine de S’keliyuk (Fig. 26) (Ackerman1961:73 ; 221, fig. 29) porte également des lignes brisées avec des motifs caractéristiques du Punukien/s1/p2. Selon Ackerman, ces traitillés font partie des motifs anciens utilisés tout au début du Punukien.

Fig. 26

Une tête de harpon à logette ouverte, découverte dans la Maison 2 de Mayughaaq par Bandi (1971/72:99, fig. 42:5), porte un décor de lignes simples légèrement incurvées. Les lignes qui entourent la perforation de ligne correspondent en tout point au motif de notre exemplaire G141, notamment entre l’insert de lame et la perforation de ligne. De plus, la section de l’extrémité distale est également rhombique ; les arêtes vives fortement déjetées de ces exemplaires semblent caractériser, avec le style des décors, la phase la plus ancienne du Punukien.

Tchoukotka :

Du point de vue de la décoration, aucune tête de harpon publiée par Rudenko (1961) n’est comparable avec notre exemplaire. Par contre, d’autres objets portent parfois des motifs similaires : une pièce d’ivoire de fonction indéterminée, découverte à Sirheniki, porte des motifs de lignes parallèles simples, de lignes brisées ou traitillées et de lignes à petites incisions perpendiculaires régulièrement espacées (Ibid.:pl. 29 :26) ; d’un point de vue stylistique, on peut attribuer cet objet au Punukien (fig. 27). D’autres objets décorés de lignes et de traitillés ont été exhumés sur le site d’Ekven : la décoration d’une boîte à aiguilles qui provient de la tombe 252 d’Ekven (Punukien ancien) mêle des lignes simples, des traitillés espacés et des lignes à petites incisions perpendiculaires (Leskov et Müller-Beck 1993:154:266) ; une autre boîte à aiguilles, provenant de la tombe 231, est de morphologie plus complexe et porte un décor similaire, mais avec une prédominance des courbes sur les lignes droites, ainsi qu’avec deux cercles concentriques tracés à main levée au centre (Ibid. : 155:264). Cette dernière pièce est attribuée au Vieux Béringien II. D’après le Dr. M. Bronsthein, un spécialiste de l’art néoeskimo qui travaille à Ekven, la tête de harpon G141 porte un décor typique de la transition entre Vieux Béringien II et Punukien ancien (communication personnelle). Nous voyons donc que le type de décor de notre tête de harpon G141 trouve ses racines dans le Vieux Béringien et caractérise la phase la plus ancienne du Punukien.

D’un point de vue morphologique, des têtes de même type (type V(b)x de Collins) sont présentes dans plusieurs localités de la péninsule des Tchouktches (p. ex. Ibid.: pl. 19:23, provenant de Sirheniki).

Fig. 27

G212a :

Ile St. Laurent :

Les têtes de harpon à baleines sont moins nombreuses dans les sites du Néoeskimo que les têtes de dimensions plus réduites, destinées à la chasse aux morses ou aux phoques. Un seul exemplaire de tête de harpon à baleine provient de la tranchée K2 de Kitnepaluk (Pl. 16:3), et un autre exemplaire découvert sur le même site par Moreau B. Chambers est publié par Collins (1937:216 ; pl.72:3). Il s’agit d’une tête en ivoire, décorée de lignes incisées, de points et de cercles nucléés typiques du Punukien classique. Sa perforation de ligne de forme ovale est orientée obliquement. La morphologie du cran basal est similaire aux exemplaires modernes. Notre exemplaire G212a est différent de cette dernière tête à plus d’un titre : l’extrémité distale est plus pointue, la forme générale plus élancée, la perforation de ligne est presque circulaire, et la décoration est absente.

Parmi la collection de Collins, notre exemplaire possède beaucoup de similitudes avec une tête de Mayughaaq (Collins 1937:216 ; pl. 72:1), malgré ses dimensions plus restreintes. La forme du cran basal, en particulier, est proche sur ces deux exemplaires (inflexion angulaire prononcée de la base du cran sur l’exemplaire de Mayughaaq ; légère inflexion sur G212a). Les seules différences notoires sont au niveau de la perforation de ligne, ovale sur l’exemplaire de Mayughaaq, au niveau de la décoration, absente de notre exemplaire, et au niveau des dimensions (21 cm pour la tête de Mayughaaq ; 18.6 cm pour G212a). La décoration curvilinéaire incisées simples a poussé Collins à attribuer l’exemplaire de Mayughaaq au Punukien ancien. La similarité morphologique de notre exemplaire G212a avec cette tête de Mayughaaq nous pousse à la mettre en relation avec le Punukien ancien. La dissimilarité qu’on peut constater entre notre exemplaire et les têtes des sites plus récents et modernes de la région de Gambell semble être un indice d’ancienneté relative de notre exemplaire.

L’exemplaire G212a montre également de nombreuses similarités avec une tête découverte dans le niveau superficiel du site de Kukulek (Kukulik), publiée par Geist et Rainey (1936:263, pl. 19). Longue d’environ 20 cm, la tête de Kukulek présente le même type d’inflexion pour la base du cran ; la perforation de ligne est également ovale.

Sur le site de S’keliyuk, presque toutes les têtes de harpon à baleine (Ackerman 1961:72-74 ; 218-222:fig. 26-30) sont du même type que notre exemplaire G212a. Les différences les plus notoires se situent au niveau de la perforation de ligne (ovale, allongée et orientée légèrement obliquement), du cran basal (à base plutôt rectiligne ou concave, sans inflexion), et surtout au niveau de la décoration (style Punukien/s1/p2, parfois avec des réminiscences de motifs du Vieux Béringien). Tous ces éléments indiquent une phase ancienne du Punukien.

Il faut signaler que dans les cinq sites fouillés (partiellement) par Collins dans les années 1930 dans la région de Gambell, seules 16 têtes de harpon à baleine, entières ou fragmentées, ont été mises au jour (Collins 1937:215-216), et la majorité provient des sites récents (Siqluwaghaaq (Seklowaghyaget) et Old Gambell). A Kukulek, le nombre des têtes de harpon à baleine s’élève également à 16, dont 14 qui proviennent des niveaux récents (Geist et Rainey 1936:95).

Les proportions de têtes de harpon à baleine par rapport au nombre de tête de harpon plus petites (à morse et à phoque) sont les suivantes pour différents sites de l’île St. Laurent (Ackerman 1961:70-71) :

  • Vieux Béringien et Okvikien : Hillside 0.

  • Punukien : Camp Kolowiyi 1/9, Ewok 1/11, S’keliyuk 1/12.3, Mayughaaq (Miyowagh) 1/34, Ayveghyaaq (Ievoghiyoq) 1/44.

  • Préhistorique récent et Moderne : Kukulek - Modern House 1/8, Kukulek - Second House 1/9, Siqluwaghaaq (Seklowaghyaget) 1/10, Old Gambell 1/10, Kukulek - Modern Meat Caches 1/16,  Kukulek - Modern level 1/24.3, Kukulek - Third House 0.

Tchoukotka :

En Tchoukotka, les quelques têtes de harpon à baleine publiées proviennent des sites d’Ouelen, de Naukan, de l’île d’Arakamchechen, du cap Chaplin, d’Avan et de Sirheniki (Rudenko 1961:122 ; pl. 8:1, pl. 12:8, pl. 13:7). Aucune n’est similaire à notre exemplaire G212a (perforation de ligne triangulaire ou lancéolée, extrémité distale arrondie, tronquée ou double biseautée). Ces têtes de harpon doivent être attribuées au plus tôt au Punukien récent. La seule tête de harpon à baleine qui ressemble à notre exemplaire (fig. 28) a été trouvée en 1975 et publiée par N.N. Dikov (1977:378, pl. 183); elle provient du site de Kojyevnikov (côte septentrionale de la Tchoukotka). De longueur similaire, sa morphologie est légèrement plus élancée et sa perforation de ligne est de forme ovale allongée. La base du cran est infléchie et l’extrémité du cran est rendue triangulaire par double biseautage. Cette tête de harpon est illustrée en association avec du matériel du Vieux Béringien récent, mais le contexte exact des découvertes est peu claire. On peut attribuer cet exemplaire au Punukien, probablement plutôt à la phase ancienne.

Fig. 28

J107b :

Ile St. Laurent :

Dans la région de Gambell, de nombreuses têtes de harpon sont identiques à notre exemplaire J107b (Pl. 2:1). Les têtes de ce type, défini par Collins (1937:118-120) comme étant le type III(a)x (cran basal latéral unique, sans inserts de lames latérales, avec un insert de pointe parallèle à la perforation de ligne, sans barbelure latérale et avec une logette de section quadrangulaire), ont été découvertes en nombre à Mayughaaq (Ibid.: pl. 28:8-16). Plusieurs d’entre-elles présentent une base de cran nettement concave, voire coudée, comme notre exemplaire. La moitié d’entre-elles montre aussi un étranglement mésial. La décoration de ces pièces, comme celle de notre exemplaire, comprend des lignes simples, des barbelures courtes, des motifs en V et des points ; ce type de décor correspond Punukien, style 1, phase 2, tel qu’il est défini par Collins, et qui, chronologiquement, indique la phase ancienne du Punukien.

Sur le site de Ayveghyaaq (Ievoghiyoq), les têtes de harpon de type III(a)x (Collins 1937: pl. 70) portent rarement le même type de décor, mais plutôt des motifs relatifs au style 2 de Collins (phases 2 et 3). De plus, on peut voir que l’étranglement n’est plus aussi net, voire inexistant. Sur les sites récents de Siqluwaghaaq (Seklowaghyaget) et de Old Gambell (Collins 1937: pl. 71), les têtes de harpon III(a)x portent soit un décor de type Punukien/style 2/phase 4, soit ne sont pas décorées. L’étranglement à généralement disparu et la perforation de ligne devient souvent de forme triangulaire.

Dans la ruine 2 de Mayughaaq, fouillée par Bandi, datée du Punukien ancien à moyen, plusieurs têtes de harpon présentent des similarités avec l’exemplaire J107b (Bandi et Bürgi 1971-72:98, fig. 41:4-7 ; p. 99, fig. 42:1, 3-4, 6). Ces similarités se situent parfois au niveau de la morphologie, mais plus souvent au niveau de la décoration (cf. Fig. 25). Un seul fragment de tête provenant de cette fouille présente à la fois une base de cran coudée, et un décor de points associés aux lignes incisées habituelles.

Tchoukotka :

On peut se référer aux paragraphes comparatifs concernant le fragment G165j. Bien que le décor soit un peu différent de l’exemplaire J107b, les références sur le territoire de la Tchoukotka sont identiques.

J220zk :

Ce petit fragment mésial (Pl. 22:3) est celui d’une tête de harpon de petite dimension dont le type n’est pas déterminable à cause de la forte fragmentation. L’absence de décoration ne permet pas de préciser sa périodisation. L’épaisseur maximale du fragment est plutôt importante et la section mésiale est nettement rhombique ; ces caractéristiques semblent incompatibles avec les autres types de têtes de harpon disponibles dans le corpus. Il n’est pas exclu qu’il s’agisse là d’un fragment de tête du Vieux Béringien, mais aucune caractéristique ne permet de le certifier.

10.2.1.3 Descriptions des ébauches de têtes de harpon

Les objets sont décrits dans l’ordre inverse de progression de la chaîne opératoire.

Décapage 

d2

Secteur 

Indéfini

G143

Objet 

Ebauche de tête de harpon (stade 4), ivoire

Illustration 

Pl. 16:2

Préservation 

Intégrale ; éclatement localisé sous la pointe

Dimensions 

91 x 18 x 13 mm

Morphologie 

Cran basal simple latéral (base légèrement concave), ébauche de logette fermée circulaire, perforation de ligne circulaire. Double biseautage distal, étranglement mésial, double biseautage de la pointe du cran basal. Sections : distale sub-hexagonale, mésiale ovale, proximale sub-

 

Décapage 

d5

Secteur 

sA

J213f

Objet 

Ebauche de tête de harpon (stade 2), ivoire

Illustration 

Pl. 3:1

Préservation 

Intégrale ; altération superficielle

Dimensions 

92 x 23 x 17 mm

Morphologie 

Cran basal simple latéral (base légèrement concave), flanc droit légèrement convexe, entaillage bifacial dans la zone mésiale (zone de la perforation de ligne. Double biseautage des pointes proximale et distale. Sections : distale sub-hexagonale, mésiale et proximale ovales. Cette ébauche était probablement destinée à recevoir un insert de lame perpendiculaire à la perforation de ligne

 

Décapage 

Indéfini (nettoyage stratigraphie)

Secteur 

Indéfini

J220zh

Objet 

Ebauche de tête de harpon (stade 2), ivoire

Illustration 

Pl. 22:2

Préservation 

Forte altération superficielle ; cassures au niveau des extrémités

Dimensions 

73 x 23 x 14 mm

Morphologie 

Cran basal simple latéral (base très légèrement concave), flancs sub-rectilignes, entaillage bifacial dans la zone mésiale et proximale (zone de la perforation de ligne et de la cloison). Sections : distale rhombique, mésiale sub-ovale, proximale sub-hexagonale

 

Décapage 

d1

Secteur 

Indéfini

G165k

Objet 

Ebauche de tête de harpon (stade 1), ivoire

Illustration 

Pl. 7:2

Préservation 

Intégrale ; altération superficielle importante. Un éclatement depuis l’extrémité distale a peut-être mené au rejet de la pièce

Dimensions 

112 x 30 x 22 mm

Morphologie 

Extrémité distale d’une défense de morse présentant un sectionnement oblique proximal par sciage bilatéral et cassage

10.2.1.4 Comparaisons des ébauches de têtes de harpon

G143 :

Nous définissons quatre stades de progression de la chaîne opératoire :

  • Stade 1 : débitage de la section utile.

  • Stade 2 : équarrissage des lignes générales (éventuellement double biseautage des pointes).

  • Stade 3 : finition de la morphologie finale.

  • Stade 4 : aménagement des caractéristiques nécessaires à la fonctionnalité de l’objet (perforation de ligne, logette, inserts de lame distale et inserts de ligature, etc.).

  • Stade 5 : finition de surface et décoration.

L’ébauche G143 (Pl. 16:2) est placée au stade 4 de la chaîne. La perforation de ligne est achevée (forage bifacial). Le forage de la logette (il s’agit ici d’une logette fermée) est débuté mais pas terminé. L’amorce de ce dernier forage est faite par incision d’une petite plate-forme, perpendiculaire à l’axe longitudinal de l’ébauche, dans la surface oblique de la base du cran. Au stade 2 de la chaîne opératoire, l’artisan a procédé à l’équarrissage général et au double biseautage des pointes. La formation des arêtes vives bilatérales distales a été effectué au stade 3.

Morphologiquement, cette ébauche était destinée à recevoir un insert de lame distale parallèle à la perforation de ligne. Cette caractéristique, associée à la logette fermée, nous permet d’attribuer cette ébauche au type V(b)x de Collins, généralement daté du Punukien. Les arêtes vives rectilignes bilatérales et le double biseautage de la pointe et de l’extrémité proximale du cran sont caractéristiques de toutes les petites têtes de harpon de notre corpus. Cette ébauche n’échappe pas à cette règle.

Les ébauches de têtes de harpon sont relativement rares dans la littérature de référence. Des exemplaires punukiens ont été découverts (entre autre) sur les sites suivants :

  • sur l’île St. Laurent : aucun (!) dans les sites de Gambell publiés pas Collins ; il en va de même pour Kukulek (Geist et Rainey 1936), pour S’keliyuk, pour Ewok et pour Siknik (Ackerman 1961) ;

  • en Tchoukotka : Sirheniki (stades 1-4 ; Rudenko 1961: pl. 19), Ekven (stade 3-4 ; Leskov et Müller-Beck, eds. 1993:207).

J213f :

Cette ébauche (Pl. 3:1) est au stade 2 de la chaîne opératoire. Son support initial est l’extrémité d’une défense de jeune morse (surface corticale visible sur les deux faces). Les extrémités ont déjà été aménagées par double biseautage. Cette ébauche est destinée à devenir une tête de harpon de type III(a)x (logette ouverte) ou V(b)x (logette fermée), c’est-à-dire une tête similaires aux exemplaires finis du corpus (Punukien ancien à moyen).

J220zh :

Cette autre ébauche (Pl. 22:2) de stade 2 présente une surface très altérée, ainsi qu’une cassure distale. Plus petite et moins épaisse que J213f, cette pièce ne présente pas de surface corticale. Les découpes sont moins soignées que sur l’autre exemplaire. Cette ébauche était également destinée à devenir une tête de type III(a)x ou V(b)x.

G165k :

Cette section distale de défense de morse (Pl. 7:2) a été débitée par sciage bifacial oblique, suivi de cassage. La surface est très altérée (feuilletage), ce qui nous empêche d’observer plus précisément les traces du sciage. Une surface d’éclatement, localisée près de l’extrémité distale, a peut-être menée au rejet de cette section.

Une autre extrémité de défense de morse (G175p) est débitée obliquement par sciage bifacial et cassage, mais la distance entre le sectionnement et l’extrémité distale est bien trop réduite pour le façonnage d’une tête de harpon. Nous ne considérons donc pas cette section comme une ébauche.

10.2.2 Autres objets décorés de Kitngipalak

Le nombre d’éléments mobiliers décorés est faible. Outre les têtes de harpons, nous avons six objets, tous en ivoire, qui portent des décorations incisées et/ou forées. Quelques objets portent de légères incisions qui pourraient évoquer un décor, mais il s’agit généralement de simples petites lignes qui soulignent un caractère morphologique. Ces incisions ne sont pas parlantes d’un point de vue chronotypologique et, de ce fait, nous présentons ces objets dans le chapitre consacré au reste du matériel.

Le matériel décoré se répartit de la façon suivante dans le profil :

 

sE

sD

sC

sB

sA

d1

G168 (plaque), G172l (bouton)

d2

G183 (embout), G212e (baguette)

d3

 

 

 

 

 

d4

 

 

 

 

 

d5

 

 

 

 

J213e (tête d’hermi-nette)

 

 

 

 

 

 

 

                   Décapage indéfini, secteur sA : J199h (baguette)


Tab. 3 - Répartition du matériel décoré (excepté les têtes de harpon) dans le profil stratigraphique.

10.2.2.1 Descriptions du matériel décoré

Décapage 

d1

Secteur 

Indéfini

G168

Objet 

Plaque décorée, ivoire

Illustration 

Pl. 7:3

Préservation 

Forte altération superficielle

Dimensions 

110 x 24 x 11 mm

Morphologie 

Plaque débitée dans un tronçon cortical de défense de morse. Face supérieure (décorée) convexe (surface corticale). Face inférieure plate. Extrémité proximale plus épaisse que l’extrémité distale. Vestiges de bords verticaux (issus du débitage par sciage) à l’extrémité proximale. Cassures des extrémités proximales et distales

Décoration 

Motif en arêtes de poisson formé par des lignes incisées simples ou doubles pointées de 14 perforations (Æ=1.5mm) ; bords longitudinaux de l'objet ajourés par deux lignes incisées parallèles. Bordure latérale gauche proximale décorée de 2 cercles (Æ=4.5mm) pointés d'une perforation centrale (Æ=1.5mm). Les lignes sont incisées assez profondément (env. 0.3 mm)

 

Décapage 

d1

Secteur 

Indéfini

G172l

Objet 

Clou décoré, ivoire

Illustration 

Pl. 7:4

Préservation 

Excellente

Dimensions 

22 x 17 x 16 mm

Morphologie 

Clou composé d’une tête de forme ovale, épaisse d’env. 6 mm. La tranche de la tête n’est pas verticale, mais rentrante. Jonction oblique entre tête et tige. Extrémité distale de la tige aménagée par double biseautage. La surface de la tige (longueur 16 mm et diamètre 7 mm) est rendue rugueuse par de légers entaillages

Décoration 

Cinq petites perforations ornent la face supérieure (Æ=2 mm) lisse. L’une d’elle perce la tête

Fonction 

Décoration de hampe de harpon

 

Décapage 

d2

Secteur 

Indéfini

G183

Objet 

Embout de flotteur, ivoire

Illustration 

Pl. 16:6

Préservation 

Excellente

Dimensions 

127 x 24 x 46 mm

Morphologie 

Embout complexe, en forme de T, constitué d’une partie supérieure horizontale dont chaque extrémité, se développant de part et d’autre du tube basal, a une forme de corne rectiligne de section sub-trapézoïdale. Le tube basal, d’une hauteur d’env. 26 mm, a une section ovale (28 x 23 mm). Il présente, près de sa base, un étranglement périphérique de 14 mm de largeur sur 4-5 mm de profondeur, façonné par entaillage. La surface de cet étranglement a un rendu rugueux qui permettait un bon maintien de l’outre de peau. La perforation centrale (Æ=5-7 mm) a été forée bifacialement (une angulation interne de la perforation est perceptible au centre)

Décoration 

Décor complexe mêlant lignes incisées simples et doubles, ainsi que de 29 petits points forés (Æ= 1.5-2 mm) et remplis d’une matière indéterminée. Les lignes sont fines et peu profondément incisées. La face supérieure présente un motif qui s’organise autour de la perforation centrale et qui suit le contour de l’objet. La plupart des lignes doubles sont des segments de courbes dont le centre est la perforation centrale. Les bords latéraux de l’objet présentent tous deux un dessin qui rappelle la moitié correspondante de la face supérieure

Fonction 

Embout de flotteur, probablement destiné à la chasse à la baleine

 

Décapage 

d2

Secteur 

Indéfini

G212e

Objet 

Baguette mousse décorée, ivoire

Illustration 

Pl. 17:2

Préservation 

Bonne

Dimensions 

87 x 9 x 7.5 mm

Morphologie 

Baguette très légèrement incurvée, de section hexagonale irrégulière, plus épaisse dans les parties mésiales et proximales, avec extrémités émoussées

Décoration 

Quatre des facettes longitudinales portent des incisions. Une facette présente une incision, relativement large (env. 1 mm) et profonde, qui s’étend longitudinalement dans les parties mésiale et proximale ; quatre légères incisions irrégulières se répartissent obliquement à côté de l’incision large. Une facette étroite porte une incision large similaire à celle de la facette précédente. La facette suivante porte deux incisions légères qui forment une ligne irrégulière dans les zones proximale et mésiale. La facette suivante présente deux chevrons irréguliers, orientés vers l’extrémité distale, formés chacun de deux incisions légères irrégulières

Fonction 

Indéterminée (peut-être alêne ou poinçon mousse)

 

Décapage 

Indéterminé

Secteur 

A

J199h

Objet 

Baguette mousse aplatie décorée, ivoire

Illustration 

Pl. 21:4

Préservation 

Bonne

Dimensions 

86 x 9.5 x 6 mm

Morphologie 

Baguette très légèrement incurvée, de section ovale, plus épaisse dans les parties mésiales et proximales, avec extrémité distale fine et légèrement émoussée, de section circulaire, et fracturation irrégulière de l’extrémité proximale. Face supérieure finement polie. Tranches et face inférieure légèrement plus grossières et irrégulièrement façonnées

Décoration 

Motif curvilinéaire ovale constitué de deux lignes principales légèrement incisées sur lesquelles viennent se greffer de courtes lignes parfois arrangées par paires parallèles. Trois petits points (Æ= 1.5 mm) sont forés près de chacune des deux tranches latérales, à l’extérieur de la ligne principale périphérique. Le fond d’un point supplémentaire est visible sur le bord droit des fractures de l’extrémité proximale

Fonction 

Indéterminée (peut-être fragment de préhampe de harpon, ou alors alêne ou poinçon mousse)

 

Décapage 

d5

Secteur 

sA

J213e

Objet 

Tête d’herminette décorée, ivoire

Illustration 

Pl. 4:3

Préservation 

Excellente

Dimensions 

142 x 41 x 29 mm

Morphologie 

Zone proximale tronconique à surface supérieure décorée de 4 chevrons parallèlement imbriqués les uns dans les autres, pointes dirigées vers l’extrémité distale de l’outil. Zone mésiale supérieure montrant une cannelure permettant de canaliser la ligature du manche. Cette cannelure se rétrécit entre les deux bordures et le sommet de la face supérieure. Sa surface est moins finement régularisée que les flancs de l'outil. La face mésiale inférieure est façonnée en une dépression ovale (55 x 28mm), profonde d’env. 4 mm, qui est placée juste au-dessous de la cannelure de la face supérieure. Sa morphologie correspond parfaitement avec l'extrémité distale du manche libellé J195a. La zone distale de la face supérieure est constituée d'une plan biseauté (65 x 41 mm), légèrement concave, à surface rugueuse, sur lequel s'appliquait la lame en pierre de l’herminette. L'état grossier de cette surface est probablement due au frottement de la lame de pierre taillée, mais peut aussi être partiellement due au façonnage. La face opposée (inférieure) distale est finement lissée et munie d'un renflement distal transversal permettant à la ligature de la lame de ne pas glisser le long de la tête d'herminette

Décoration 

Quatre chevrons finement incisés, imbriqués parallèlement les uns dans les autres

Fonction 

Pièce intermédiaire entre le manche (J195a, en bois) et une lame de pierre (généralement débitée par taille et affûtée par polissage). Ces trois éléments sont fixés l’un à l’autre par des ligatures de courroies de cuir ou de fanon de baleine. L’herminette servait à travailler divers matériaux tels que le bois, l’os et l’ivoire

 

10.2.2.2 Comparaisons du matériel décoré

G168 (Pl. 7:3) :

Nous ne pouvons pas certifier que cet objet soit un fragment de brassard d’archer. Pourtant, le motif décoratif se retrouve sur plusieurs brassard découverts sur d’autre sites de l’île St. Laurent et de Tchoukotka.

La tranchée K1 de Kitnepaluk a livré un brassard d’archer (non publié) en ivoire, qui porte un décor de lignes incisées parallèles (fig. 29). Par contre, il n’y a pas de chevrons ni de points forés comme sur l’objet G168 de la tranchée K2.

Fig. 29

Du site de Kukulek, un fragment de brassard d’archer décoré (Geist et Rainey 1936:321, pl. 77:12) ne porte pas de motifs similaires, mais plutôt des bandes de lignes parallèles jointes pas des séries de barres transversales. Un autre fragment de brassard (?) porte un décor curvilinéaire Vieux Béringien. Aucun autre objet de Kukulek ne porte de décors similaires à celui de G168.

A S’keliyuk, Ackerman a mis au jour un brassard d’archer dont le décor comprend aussi des motifs en V qui convergent vers une ligne centrale, mais sans points forés (Ackerman 1961:305, Pl. 45:4). Le décor n’est pas typique du Punukien, c’est pourquoi cet auteur attribue cet objet au « Punukien-Birnirkien » ou à une phase postérieure (1961:105).

Sur le site d’Ayveghyaaq (Ievoghiyoq), deux brassards d’archer portent des décorations apparentées aux motifs de notre objet G168 (Collins 1937:pl. 65:9-10). Un brassard présente un motif composé de quatre double lignes incisées parallèles entre lesquelles s’insèrent des doubles lignes obliques. L’autre brassard porte le même motif, mais les courtes double lignes sont incisées perpendiculairement aux double lignes longitudinales. Ce brassard est attribué au Punukien moyen

A Sirheniki (Tchoukotka), Rudenko a découvert cinq brassards d’archer (fig. 30) (1961:pl. 21:4-8). Seul l’un d’eux porte un décor comparable à notre objet, à savoir un réseau de quatre double lignes longitudinales entre lesquelles sont incisées des chevrons doubles et des motifs double en W.

Fig. 30

Il semble que ce motif de double lignes incisées parallèles entre lesquelles sont insérées des courtes doubles lignes obliques ou perpendiculaires soit typique du Punukien. Il n’apparaît jamais dans le Vieux Béringien ni dans le Birnirkien. Sur notre exemplaire, la profondeur relativement importante des incisions et des points forés, ainsi que les cercles nucléés, rapprochent plus la décoration du Punukien, style 2, phase 1, c’est-à-dire du Punukien classique.

G172l (Pl. 7:4) :

Ce type d’objet semble être courant dans plusieurs sites du Punukien. C’est l’ethnographe E.W. Nelson qui fut le premier occidental à documenter l’utilisation de tel clous décoratifs sur les hampes des harpons dans la région de la mer de Béring (Nelson 1983).

Dans les sites de la région de Gambell, des clous similaires ont été trouvés sur le site de Mayughaaq et de Old Gambell. Un exemplaire de Mayughaaq (Collins 1937: pl. 15:7), daté du Vieux Béringien, a des dimensions plus importantes que le clou G172l. La tête est également de forme ovale, mais la tige est cylindrique et son extrémité est mousse. Au centre de la face supérieure, un motif en étoile à quatre branches est excisé et des restes d’inclusions de bois sont préservés dans cette dépression ; un cercle nucléé est mis en relief au centre de l’étoile. Quatre points sont forés entre les branches. Collins attribue cet objet au Vieux Béringien, mais il affirme que le style décoratif ne peut être rattaché à aucun des trois styles classiques du Vieux Béringien (Collins 1937:90). De notre point de vue, ce clou décoratif est facilement attribuable au Punukien et il pourrait donc être intrusif dans l’ensemble Vieux Béringien de Mayughaaq.

Un autre clou décoré de Mayughaaq (Collins 1937:pl. 60:7) ressemble étonnamment à notre exemplaire G172l. Ses dimensions sont légèrement plus importantes, mais la morphologie générale de la tête et de la tige est identique. Le décor consiste également en cinq points forés dans la face supérieure, dont un qui est situé au centre. Les points forés ont une profondeur de 2-3 mm (Ibid.:180), comme sur le clou G172l. Collins attribue cet objet au Punukien ancien.

Un troisième clou, non décoré, provient de Old Gambell (Collins 1937:241 et pl. 82:21). Sa morphologie est identique à notre exemplaire, excepté la face supérieure qui n’est pas plate, mais légèrement convexe. L’auteur inclut cet objet dans l’inventaire attribué au Préhistorique Récent.

Ce type de clou décoratif, fréquent dans le Punukien, semble apparaître dans le Punukien ancien, peut-être même dans le Vieux Béringien récent. Il perdure jusque dans le Préhistorique Récent, mais en perdant le décor des cinq points forés. Il n’est pas impossible de penser que les exemplaires trouvés en contexte Vieux Béringien récent soient des imitations de clous décoratifs du Punukien ancien, mais avec de plus grande dimensions et avec certaines complications décoratives.

G183 (Pl. 16:6) :

Cet embout de flotteur en ivoire est une pièce exceptionnelle pour plusieurs raisons ; premièrement pour le décor élaboré qui le couvre et deuxièmement parce qu’on n’a trouvé, à ce jour, aucun objet véritablement comparable, ce qui en fait une pièce unique. Les lignes sont incisées finement ; elles n’ont pas la profondeur du style Punukien classique. Le décor permet d’attribuer cet embout au Punukien ancien (style 1, phase 2).

Les embouts étaient utilisés pour gonfler plusieurs types de flotteurs indispensables lors de certaines chasses aux mammifères marins. Les plus petits modules étaient ligaturés sur des intestins de phoques ; ces flotteurs étaient fixés à des harpons légers et lancés avec le harpon. D’autres embouts servaient à boucher des flotteurs plus volumineux et plus lourds en peau de phoque, sur lesquels on fixait également une poignée servant à transporter et à récupérer le flotteur. De plus grand flotteurs, également munis de poignées, devaient servir lors des chasses aux baleines, mais on ne connaît pas exactement leur morphologie.

Notre exemplaire a ceci de particulier qu’il unit en une seule pièce un embout et une poignée. Il devait assurément être monté sur un flotteur de fort volume. Dans les paragraphes suivants, nous allons présenter les embout qui sont comparables à la partie centrale tubulaire de notre exemplaire G183.

Collins (1937:130) note l’absence d’embout tubulaires en ivoire dans secteurs anciens des sites du Vieux Béringien. Ils sont remplacés par des embouts façonnés dans du bois ; ils ont une forme de disque dont le centre est perforé et dont la tranche est munie d’une cannelure profonde. Cette forme d’embout semble disparaître durant le Vieux Béringien récent ou le Punukien ancien au profit des embouts tubulaires.

Les grands embouts tubulaires en ivoire sont rares sur les sites de la région de Gambell. Collins illustre plusieurs petits embouts destinés à des flotteurs en intestins (utilisés avec des harpons légers) (Collins 1937: pl. 73:10-12). Aucun n’atteint les dimensions de notre exemplaire G183, le diamètre de la constriction tubulaire ne dépassant pas 12 mm de diamètre, contre 20 mm pour G183.

Dans la Ruine 3 de Kukulek, deux embouts sont ceux de flotteurs en intestin ; il sont munis de la languette qui permettait la fixation du flotteur sur la hampe du harpon. Ils ne correspondent donc pas à la fonction de notre spécimen, mais le diamètre de la constriction d’un de ces flotteurs (env. 17 mm) (Geist et Rainey 1936: pl. 54:27) approche celui de G183. Il en va de même pour un embout retrouvé dans la Ruine 2 du même site (Ibid.: pl. 43:1). Un embout tubulaire massif provient de la Ruine Moderne de Kukulek (Ibid.: pl. 25 :3). Ses dimensions générales en font un exemplaire tout à fait comparable à la partie tubulaire de G183, avec une longueur de 35 mm et un diamètre de 20 mm au niveau de la constriction. Cet exemplaire n’est muni d’aucun aménagement annexe. Sa taille en fait l’embout idéal pour un grand flotteur en peau de phoque utilisé lors des chasses à la baleine. Sur un flotteur muni d’un tel embout simple, il était nécessaire de fixer aussi une poignée indépendante en bois ou en ivoire (voir par exemple Collins 1937: pl. 32:20 et pl. 47:6-7). Notre exemplaire G183 ne nécessitait pas l’adjonction d’une telle poignée.

De la péninsule des Tchouktches, on connaît un embout de grande taille qui a été retrouvé sur le site de Naukan par Rudenko (1961: pl. 11:9). Il est relativement allongé (57 mm) et le diamètre de la constriction, de 17 mm, permet de penser à une utilisation pour chasser de grands mammifères marins.

De la nécropole d’Ekven, on connaît des embouts plats en ivoire (Leskov et Müller-Beck 1993:143, n° 207-208) ; leur morphologie est identique aux exemplaires en bois des sites du Vieux Béringien.

Sur le site d’habitats d’Ekven, on ne connaît, à ce jour, que quelques embouts qui proviennent soit de la ruine d’habitat EH18 (fouille en cours ; cf. Blumer 1996 et Blumer 1997 (sous presse)), soit du front érosif de la plage (ramassage de surface). De la ruine EH18, datée du Birnirkien ancien, on a un embout de grande taille (catalogue matériel EH18 Blumer 1996 (non publié) : code EH18.96.97/99.d4.22), mais dont la morphologie est différente de notre exemplaire G183. Au niveau de la constriction, le diamètre est de 15 mm. Le diamètre de la perforation est similaire à celui de notre embout, avec environ 8 mm. Un autre embout massif a été ramassé en surface sous la ruine EH15 (catalogue ramassage surface dans Blumer 1996 (non publié) : code EH15.96.130). Il s’agit d’un embout simple muni d’une cannelure mésiale. Le diamètre de la constriction est d’environ 20 mm et celui de la perforation de 9-10 mm. Un dernier embout provient du même secteur (catalogue ramassage surface Blumer 1996 (non publié) : code EH15.96.133). Il a une morphologie tubulaire simple, avec une surface externe rugueuse ; son diamètre externe est réduit à 11 mm.

Nous pouvons constater qu’il existe peu de matériel comparable à notre spécimen G183, tant du point de vue de la morphologie que de celui de la décoration. Une fois de plus, le motif décoratif est appliqué en suivant les lignes générales de l’objet. La technique décorative et le choix des motifs sont les seuls indices qui permettent d’attribuer cet embout-poignée au Punukien ancien (style 1, phase 2 de Collins). La morphologie de la poignée et la massivité de l’embout permettent de soupçonner le montage de cet objet sur un flotteur volumineux destiné à être utilisé lors de chasses aux baleines.

G212e (Pl. 17:2) :

Le décor qui apparaît sur la baguette mousse G212e tient plus de l’esquisse que du décor achevé. Il est impossible d’attribuer ces chevrons irréguliers et ces lignes simples individuelles à l’un ou l’autre des styles reconnus à ce jour, mais il semble que le Punukien est le complexe culturel qui a pu produire ces esquisses.

Au sujet de la fonction de cette baguette, il est difficile d’avoir des certitudes. Il pourrait s’agir d’une alêne rendue mousse par l’utilisation, ou d’un poinçon, ou peut-être même d’un retoucheur simple ou d’une préhampe de harpon en utilisation secondaire.

J199h (Pl. 21:4) :

La baguette J199h porte un décor qui a une valeur diagnostique plus certaine. Le caractère curvilinéaire des incisions est indéniablement une influence des décors du Vieux Béringien récent, et la régularité du forage des points est à attribuer au Punukien ancien, ainsi que les courtes barbelures. La faible profondeur des incisions est également caractéristique du Punukien ancien (style 1, phase 2 de Collins).

Un motif quasi identique est illustré par Collins sur une figure synthétique du style 2 du Vieux Béringien (fig. 31) (1937:82, fig. 15:21). Il s’agit d’une espèce d’ellipse irrégulière tronquée dont l’incision distale porte trois barbelures. Notre objet présente deux lignes courbes similaires avec quatre, respectivement trois telles barbelures. Sur notre exemplaire, ce motif est appliqué isolément, ce qui semble caractéristique de la simplification des décors du Punukien, alors que sur les objets du Vieux Béringien, il est généralement intégré à d’autres motifs complexes. Les sept points forés sur les bords du motifs ne laissent aucun doute sur l’attribution de l’objet au Punukien ancien. L’hypothèse de la contemporanéité du Vieux Béringien récent et du Punukien ancien, affirmée par Bronsthein (1993:80, Tab. 1), semble trouver ici un appui supplémentaire, bien qu’isolé, avec un objet qui pourrait se placer dans une transition stylistique entre Vieux Béringien II et Punukien ancien.

Fig. 31

D’un point de vue fonctionnel, la baguette J199h pourrait avoir servi de préhampe de harpon, mais la fracture et l’usure (par percussions ?) de l’extrémité proximale a certainement relégué cet objet à une fonction secondaire qui est difficile à déterminer. Une utilisation initiale comme outil perçant ne peut pas être exclue, mais ce type d’objet est rarement décoré. La décoration a été appliquée antérieurement à la fracture de l’extrémité proximale de l’objet.

J213e (Pl. 4:3) :

Cette tête d’herminette massive porte un décor constitué de quelques lignes qui forment un motif de chevrons parallèles. Il est difficile de se prononcer sur le style du motif, mais l’exécution légère et la simplicité du motif sont des caractères qui peuvent facilement être attribués au Punukien ancien.

Il existe trois types principaux de têtes d’herminettes. Le type le plus simple consiste en une douille, de forme quadrangulaire, généralement en bois de cervidé, munie d’une ou de deux perforations quadrangulaires permettant la fixation du manche et d’un insert transversal de lame. Ce type est surtout fréquent dans le Vieux Béringien (voir par exemple Leskov et Müller-Beck 1993 :148, n° 228-230). Le second type est en forme de coin ; la fixation du manche se fait par application sur la face inférieure de la tête, avec une ou plusieurs ligatures qui passent par une perforation dans l’extrémité distale du manche et par un aménagement sur la face supérieure de la tête (cannelure, bossettes ou autres). La tête présente sur la face supérieure, dans sa partie distale, une surface légèrement concave destinée à recevoir la lame de pierre ; cette lame est ligaturée sur la tête et la ligature est maintenue en place grâce à une lèvre aménagée sur l’extrémité distale de la face inférieure de la tête. Les matériaux utilisés pour les têtes de ce type sont l’ivoire ou l’os de baleine (côtes). Ces têtes en forme de coin font leur apparition dans le Vieux Béringien récent et perdurent jusque dans le Préhistorique récent (cf. par exemple l’herminette intégralement préservée dans Geist et Rainey 1936:266, pl. 22:9). Il existe un type intermédiaire entre la tête en forme de coin et la douille simple. Il s’agit d’une tête de morphologie similaire au type en forme de coin, mais qui est muni d’un insert dans lequel vient s’insérer la lame (voir par exemple Rudenko 1961: pl. 6:1-2 et aussi Geist et Rainey 1936:266, pl. 22:10 et 297, pl. 53:5). Cet insert peut être fermé ou partiellement ouvert. Le troisième type de tête d’herminette a la forme d’une botte. Façonnées en bois ou en ivoire, ce type se fixe au manche par application et par des ligatures qui passent par des perforations transversales aménagées dans l’extrémité distale du manche et dans la tête. La surface qui reçoit la lame est plus étroite que sur les têtes en forme de coin ; la lame est maintenue en place selon le même principe que les têtes en forme de coin. L’angle formé entre la lame et le manche est plus fermé que sur les têtes en forme de coin. Un talon est aménagé à l’extrémité proximale de la face supérieure. Les têtes d’herminette en forme de botte apparaissent dans l’Okvikien (Rainey 1941:509, fig. 20:9-10) et se maintiennent jusque dans le Moderne (période historique) (voir par exemple Geist et Rainey 1936:287, pl. 43:7 et 307, pl. 63:9).

[Figure 32 is not featured here. Please refer to Geist and Rainey 1936:266, pl. 22:9)]

Fig. 32 - Herminette préservée de Kukulek, comprenant un manche en bois ligturé à une tête en ivoire sur laquelle s’applique une lame lithique à tranchent poli (Geist et Rainey 1936:266, pl. 22:9).

D’un point de vue typologique, notre tête d’herminette J212e est du type en forme de coin. Elle est comparable à plusieurs objets provenant d’autres sites, mais aucun n’est vraiment identique. Pour la région de Gambell, elle possède le plus de caractères en commun avec des têtes trouvées dans les ruines du Punukien moyen et récent à Ayveghyaaq (Ievoghiyoq) et à Sekluwaghaaq (Collins 1937:234 et pl. 78:17-18). Elle a également plusieurs caractères en commun avec des têtes du Vieux Béringien (Ibid.: pl. 46:3-5), et se place dans une position typologique intermédiaire entre ces dernières et celles du Punukien moyen et récent qui perdent généralement toute forme de décoration. Sur le site de Kukulek, les seules têtes en forme de coin comparables à notre exemplaire proviennent de la coupe de la plage (Geist et Rainey 1936:317, pl. 73:1-2). Elles sont façonnées de manière plus fruste que J212e, ont une forme plus quadrangulaire et l’une d’elle est munie d’un ergot sur l’extrémité proximale (comme les exemplaires de la région de Gambell). Ces exemplaires sont attribués à une phase postérieure au Punukien ancien. Sur le site Punukien ancien - Birnirkien de S’keliyuk, Ackerman a découvert cinq têtes d’herminettes en forme de coin. Certaines semblent ressembler à J212e, mais la description sommaire et la qualité de l’illustration disponible ne permet pas d’en juger avec précision (Ackerman 1961:137 et 299, pl. 42:7-8). Il est surprenant de constater qu’aucune tête d’herminette en forme de coin n’a été retrouvée sur la côte de la péninsule des Tchouktches, du moins pas lors des prospections de Rudenko (1961) et de Dikov (1977).

10.2.3 Résumé de l'attribution chronoculturelle des têtes de harpons et du matériel décoré

 

sE

sD

sC

sB

sA

d1

G165j (Pfd) / G165k (Es1e) / G168 (plaque), G172l (bouton)

d2

G141 (Ped) / G212a (Gen) / G143 (Es3e) /

G183 (embout)/ G212e (baguette)

d3

 

 

 

 

 

d4

 

J107b (Ped)

 

 

 

d5

 

 

 

 

J213f (Es2e) / J213e (tête d’hermi-nette)

 

 

 

 

 

 

 

                   Décapage et secteur indéfinis : J220zk (Pfn) / J220zh (Es2f) / J199h (baguette)

Tab. 4 - Répartition du matériel décoré dans le profil stratigraphique, avec attribution chronoculturelle.
Eléments en gras : Punukien ancien ; éléments en texte normal : Punukien ; éléments en italique : indéterminé.
Code : P = petite pièce, G = grande pièce, E = ébauche, e = entière, f = fragmentée, d = décorée, s1-s2-s3 = stades d’ébauchage.

Pour le décapage d1, on a 50% des objets qui sont attribués au Punukien ancien et 75% au Punukien en général. Pour le décapage d2, on a 20% de Punukien ancien et 100% de Punukien en général. Pour d4sD, le seul objet décoré est attribué au Punukien ancien. Dans d5sA, les deux objets sont du Punukien ancien. Et finalement, parmi le matériel récolté dans le profil lors de son nettoyage, 66% est attribué au Punukien ancien.

Globalement (fig. 33), dans le faible corpus de matériel décoré, le profil a fourni 60% de matériel du Punukien ancien et 86% attribuable au Punukien en général ; le solde de 14% ne fournit pas de précision chronoculturelle, mais n’est pas incompatible avec le Punukien.

Fig. 33

10.3 Synthèse sur la situation chronologique

Le nombre d’éléments qui précisent le calage chronoculturel des structures mises au jour dans la tranchée K2 est relativement réduit (deux datations radiocarbones, cinq têtes de harpon et six objets décorés). Néanmoins, tous ces éléments paraissent homogènes et permettent un calage relativement précis, à la mesure des autres sites de nature similaire.

Des éléments du Punukien ancien se répartissent entre le sommet et la base du profil stratigraphique. Quelques éléments de cette même entité chronoculturelle se trouvent au fond des structures d’habitats H1 (cf. Chapitre 8.1.1) et H2 (cf. Chapitre 8.1.2), ce qui permet d’attribuer ces constructions au Punukien ancien. La présence d’éléments du Punukien ancien dans les niveaux superficiels s’explique soit par des remaniements anciens ou modernes, soit par une répartition anthropique « naturelle » autour des habitats semi-souterrains et autour des constructions connexes (caches à viande). Cette présence de matériel ancien dans les niveaux superficiels et l’absence, a priori, de matériel plus récent (Préhistorique récent ou Moderne) dans ces niveaux sont des gages de l’homogénéité du site ; on peut affirmer sans risque que ce secteur du site de Kitnepaluk a été occupé uniquement durant le Punukien ancien, probablement dès sa phase la plus ancienne (deux éléments démontrent une influence du Vieux Béringien II dans les décors).

La ruine d’habitat H1 a été construite peu de temps après l’intervalle 885-990 ap. J.-C. (B-6476), c’est-à-dire aux alentours du début du 10ème siècle. La ruine H2 voit le jour peu après l’intervalle 1030-1175 ap. J.-C., vraisemblablement vers la fin du 11ème siècle de notre ère. Ces deux périodes semblent relativement récentes pour du Punukien ancien, mais ces calages s’accordent globalement avec le schéma chronoculturel développé par Bronsthein (1993:80, Tab. 1) qui distingue seulement deux phases pour le Punukien - ancien et récent - qui se succèdent vers le début du 10ème siècle ap. J.-C.

Dans la synthèse chronologique de Gerlach et Mason (1992), le Punukien alaskan reçoit l’intervalle calibré 450-1075 ap. J.-C., basé sur neuf datations. Notre ruine se place vers la fin de cet intervalle, ce qui peut paraître surprenant. Mais si on prend la peine de calibrer les datations compilées par ces auteurs (1992:75, Tab. 1 « Punuk Alaska », N=9) en effectuant les opération suivantes : (1) soustraction de 400 ans des datations faites sur les ossements de baleine, et (2) séquençage, on obtient l’intervalle 560-1400 ap. J.-C. (seuil 95.4%). Cet intervalle diffère de celui proposé par Gerlach et Mason, et cela est principalement dû au fait qu’ils n’ont pas effectué de correction pour les échantillons d’os de baleine (effet réservoir). Si la correction de 400 ans peut paraître aléatoire, elle constitue encore la moyenne acceptée par une majorité de chercheurs, et sans cette correction, l’intégration des datations sur os de mammifères marins dans les séquences chronologiques est aussi illusoire qu’erronée.

Si on intègre toutes les nouvelles datations disponibles pour le Punukien (cf. aussi Annexe C : Datations radiocarbones) , notamment les datations disponibles pour la région de Gambell (mais sans les datations de Kitnepaluk), le séquençage (N=14) donne l’intervalle 590-1400 ap. J.-C. (seuil 95.4%).

Dans cet intervalle de 800 ans, nos datations se placent près du centre (ou sont de peu postérieures), ce qui voudrait dire que, sur notre site, le Punukien ancien a pu perdurer jusqu'au moment où le Punukien récent (ou classique) se met en place ailleurs sur l’île St. Laurent.

 


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