5. Kitngipalak Excavat.
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5. Travaux de fouille sur le site de Kitngipalak

5.1 Résultats anciens

Les travaux archéologiques anciens effectués sur le site de Kitngipalak ont laissés peu de traces dans la littérature :

5.1.1 Chambers sonde en 1931

Les sondages dirigés par Moreau B. Chambers en 1931 ont été brièvement cités dans Collins :

« and between there [cap Sud-Ouest] and Gambell at least one important abandoned site, Kitneapalok, at which preliminary excavations were made by Moreau B. Chambers in 1931. Plate 1, figure 1, is a view of one of the two middens at Kitneapalok. »

(Collins 1937:26)

Une tête de harpon à baleine portant un décor de style punukien récent est le seul objet publié provenant de ces travaux (Ibid.:216 et pl. 72:3).

5.1.2 Giddings fouille en 1939

En 1939, J. L. Giddings met au jour les fondations d’un habitat semi-souterrain circulaire à long couloir d’entrée qu’il attribue au Thuléen ou au Punukien (Rainey 1941:468 et 471 ; Giddings 1957:133).

« To obtain datable wood, then, was Louis Giddings’ chief objective in his excavations of September and October 1939, but the search for the Okvik type of material, in association with other sites, was also to be continued. Similar material had been reported in the lower part of the most ancient (Hillside) site excavated at Gambell by Collins, and some specimens of the same kind had been excavated by the natives at a site known as Kitneapaluk and purchased by Geist in 1932. After three weeks’ work at Kukulik, Giddings moved to the western end of St. Lawrence to make several test excavations at Kitneapaluk, twenty miles south of Gambell. »

(Rainey 1941:468 et 471)

Les résultats des sondages de Giddings à Kitngipalak n’ont malheureusement jamais fait l’objet d’une publication intégrale.

5.1.3 Ackerman prospecte en 1958

Robert E. Ackerman visite Kitngipalak durant une prospection autour de l’île en 1958 et en publie le bref rapport suivant :

« The site has several middens that have been partially excavated, but there are still two large middens that have only the upper surface disturbed. Further work will require trenching for drainage as the site is quite damp. The task of removing the disturbed overburden of late prehistoric to Punuk cultural layers before new information could be obtained was too formidable for our small group and the time we had available. No work was done at the site. »

(Ackerman 1961:20-21)

5.2 Nouvelles nécropoles découvertes par le "St. Lawrence Island Field Project"

5.2.1 Les impulsions de la recherche soviétique

Les tombes du Néoeskimo étaient inconnues jusqu’en 1955-1960. Pendant plusieurs années, les chercheurs américains émettaient l’hypothèse que l’absence de tombe était causée par les rites funéraires. Collins affirme :

« neither at Gambell nor elsewhere on St. Lawrence Island have I ever found burials which from the accomapying grave offerings could be identified as of Punuk or Old Bering Sea age. If, as seems probable, the prehistoric St. Lawrence Eskimos followed the usual practice of simply placing the body among the rocks, either on a flat surface or in a natural crevice, it is easy to understand why no skeletal remains of any antiquity have been found, since in this method of burial the bones would soon become scattered and broken. »

(Collins 1937:246)

Dans les années 1940, S. I. Rudenko, dans le cadre de son exil sibérien, prospecte le pourtour de la Tchoukotka et découvre de nombreux sites d’habitats du Néoeskimo (Rudenko 1947, 1961). Entre 1957 et 1960, une équipe de chercheurs soviétiques met au jour 80 sépultures dans la nécropole d’Ouelen, le village qui se trouve près de l’extrémité orientale de la péninsule des Tchouktches. La publication du matériel de ces tombes, attribuées à l’Okvikien, au Vieux Béringien, au Birnirkien et au Punukien, pousse le Prof. Bandi (Berne) a intensifier la recherche de nécropoles similaires sur l’île St. Laurent.

5.2.2 Les nouvelles nécropoles

Dans le cadre du « St. Lawrence Island Archaeological Field Project » développé par le Prof. Bandi, une équipe jointe de l’Université de Berne et de l’Université d’Alaska à Fairbanks découvre les premières nécropoles de l’île St. Laurent dans la région de Gambell en 1967. Les travaux de fouilles entrepris entre 1967 et 1973 permettent de mettre au jour 98 sépultures principalement attribuées au Punukien. Une autre nécropole plus restreinte - onze tombes - est découverte près de la baie de Dovelavik, à quelques kilomètres au sud-est de Gambell. L’équipe du Prof. Bandi effectue une première reconnaissance aérienne du site de Kitngipalak durant l’été 1972. Au début de l’été suivant, le site est visité à pied et de nouvelles sépultures sont découvertes et mise au jour parallèlement aux fouilles de deux tranchées de sondages (K1 et K2) aménagées dans des monticules anthropisés.

Les principaux résultats des recherches dans les nécropoles de l’île St. Laurent peuvent se résumer aux éléments suivants (Bandi 1993:42-49 ; Bandi et Bürgi 1971-72:45-81 ; Anliker-Bosshard et Hofmann-Wyss 1984 ; Hofmann-Wyss 1987) :

  • nécropoles situées à plusieurs centaines de mètres des côtes ;

  • sépultures en fosse (jusqu'à 100-150 cm de profondeur dans les terrains gravionneux de Gambell) ou dans des anfractuosités des pierriers (Kitngipalak et Dovelavik) ; 98 tombes simples ou multiples fouillées à Gambell, 11 à Dovelavik et 40 à Kitngipalak ;

  • indices de matelassage du fond (peaux, mousses ou plancher) ;

  • plaquage d’os de baleines ou de morse (crânes, scapulae, côtes, mandibules ; surtout à Gambell), de bois et de blocs lithiques sur les bords et/ou en couverture ; dans les anfractuosités naturelles, le corps est souvent recouvert d’humus, de pierres ou d’os animaux (baie de Dovelavik et Kitnepaluk) ;

  • possibilité de sépultures doubles (Gambell) ou triples (Dovelavik) synchrones ou collectives diachrones (jusqu'à 12 individus à Kitngipalak) ;

  • orientations : à Gambell, 78% nord -- sud, sinon nord nord-ouest -- sud sud-est ou nord nord-est -- sud sud-ouest ;

  • positions : généralement décubitus dorsal (72%), parfois décubitus latéral ou ventral et aussi positions contractées dorsales ou latérales (17% à Gambell ; 5.5% à Kitngipalak) ; à Dovelavik, deux indices de contractions forcées par ligature) ; les sépultures en positions contractées semblent être antérieures au Punukien récent ;

  • mobilier funéraire : plus important et plus riche en matériaux organiques dans les tombes anciennes (Okvikien et Vieux Béringien) que dans les sépultures récentes (Punukien) où l’outillage lithique prédomine ;

  • datations chronotypologiques des sépultures : tombes okvikiennes : 2 à Gambell et 2 à Kitngipalak ; tombes du Vieux Béringien : 1 à Gambell et 2 à Kitngipalak ; transition Vieux Béringien-Punukien ancien : 1 à Dovelavik ; Punukien : 4 à Gambell et 2 à Kitngipalak.

  • datations radiochronologiques : 29 datations pour Gambell, 2 à Dovelavik et 7 à Kitngipalak

Dans les trois nécropoles, un minimum de 238 et un maximum 249 individus ont été prélevés. 213 individus ont pu être étudiés anthropologiquement : 72 hommes, 58 femmes, 46 enfants et 37 de sexe indéterminé. La publication des résultats anthropologiques est planifiée prochainement (C. Simon, Dépt. d’Anthropologie et d’Ecologie, Université de Genève) dans la collection du Dr. Bandi (« St. Lorenz Insel Studien »).

5.3 Sondages stratigraphiques dans les zones d'habitats

Le matériel archéologique obtenu anciennement à Kitngipalak (trouvailles fortuites) comprend des objets décorés aussi bien attribuables au Punukien, au Vieux Béringien ou à l’Okvikien. L’objectif des travaux de fouille entrepris sur la zone d’habitats par l’équipe du « St. Lawrence Island Archaeological Field Project » est d’obtenir une séquence stratigraphique complète qui puisse démontrer archéologiquement la succession très discutée des styles décoratifs et des cultures du Néoeskimo, notamment en ce qui concerne la position relative et l’âge de l’Okvikien. Dans cette perspective, deux tranchées de sondage stratigraphique sont aménagées transversalement sur deux monticules anthropisés (K1 et K2) qui paraissent bien préservés.

5.3.1 Tranchée de sondage K1

La fouille débute le 26 juin 1973 par la délimitation et l’ouverture de la tranchée K1, aménagée sur une longueur de 13 m et sur 1 m de largeur. Le monticule anthropisé (Mound 2 de Crowell 1985), sur lequel est aménagé la tranchée K1, se trouve à 23 m de la bordure nord-orientale de la petite péninsule dénommée Savukahuk Point. La présence de pergélisol à une profondeur de 15 cm gène la progression de la fouille, mais finalement des sédiments archéologiquement stériles se présentent à une profondeur moyenne de 120 cm. Après relevé du profil stratigraphique, la tranchée K1 est remblayée.

La technique de fouille appliquée dans le sondage K1 consiste en deux décapages successif d’épaisseurs aléatoires, opérés sur toute la surface de la tranchée, en suivant généralement le pendage général du monticule. Le premier décapage, de 49 cm d’épaisseur moyenne, est effectué entre le 26 juin et le 2 juillet ; il comprend 7 enlèvements successifs de 5 à 15 cm d’épaisseur. Entre le 3 et le 24 juillet, l’équipe approfondit la tranchée par un deuxième décapage de 73 cm d’épaisseur moyenne, comprenant 6 enlèvements de 3 à 20 cm d’épaisseur. Pendant toute la fouille de K1, le matériel archéologique et zoo-ostéologique est prélevé en vrac par décapage sur toute la surface de la tranchée de sondage. Seul les échantillons prévus pour les analyses connexes (deux profils polliniques pour analyse palynologique et six échantillons pour datation radiocarbone) sont localisés dans la documentation de fouille. Après nettoyage, le profil stratigraphique est photographié, puis relevé à l’échelle 1:20 sur papier millimétré. Ce relevé est annoté d’informations sédimentologiques qui donneront lieu, plus tard, à une description sédimentologique.

Le matériel prélevé dans la tranchée K1 peut être globalement attribué au Punukien, probablement ancien, sans indices de vestiges plus ancien attribuables à l’Okvikien ou au Vieux Béringien. L’étude de ce mobilier archéologique n’a finalement pas pu être intégrée dans le cadre de cette étude consacrée à la longue tranchée de sondage K2.

5.3.2 Tranchée de sondage K2

La tranchée de sondage K2 est ouverte sur un vaste monticule anthropisé (Mound 1 de Crowell 1985) localisé à 100 m de la côte, à 190 m du centre de la nécropole, et à 230 m de la tranchée K1. La surface initiale de la tranchée est de 25 m de longueur sur 100 cm de largeur. Comme pour la tranchée K1, le pergélisol apparaît à une profondeur de 15-20 cm et handicape sérieusement l’avancement des travaux. Dans ce cadre, signalons l’assiduité de Karl Zimmerman, directeur du chantier, qui reste seul sur le site durant plusieurs jours pour accélérer la progression des travaux. Des niveaux archéologiquement stériles sont mis au jour à des profondeurs allant jusqu'à 290 cm. En cours de fouille, il s’avère que la largeur initiale est insuffisante pour assurer la sécurité des fouilleur et également pour des raisons d’espace nécessaire aux prises de vues photographiques indispensables ; un biseautage oblique de la paroi occidentale est effectué, et la largeur de la tranchée mesure alors 200 cm au sommet. Après près de deux mois de travaux ininterrompus, le profil oriental est relevé et documenté, puis la tranchée est partiellement remblayée pour éviter les effondrements éventuels.

La technique de fouille du sondage K2 consiste en décapages successifs d’épaisseurs aléatoires, effectués sur toute la surface de la tranchée en respectant généralement le pendage du monticule (fig. 7). Au cours des deux premiers décapages (d1 entre le 26 juin et le 2 juillet ; d2 entre le 3 et le 22 juillet), le matériel archéologique et zoo-ostéologique est prélevé en vrac par décapage, sur toute la surface de la tranchée. Par la suite, il s’avère que les dépôts sédimentaires et anthropiques sont loin d’être aussi simple qu’initialement estimé. Cinq secteurs de 5 m de longueur (sA à sE) sont déterminés et une ségrégation du matériel archéologique et faunique par décapage et par secteur est alors opérée pour le troisième décapage (entre le 23 juillet et le 2 août), et sera maintenue pour le quatrième (entre le 3 et le 10 août) et pour le cinquième et dernier décapage (entre le 11 et le 10 août).

Fig. 7

Après nettoyage du profil, la stratigraphie est photographiée, puis relevée à l’échelle 1:20. Des échantillons de cendres, de bois et d’os sont prélevés pour datation radiocarbone ; un profil pollinique est également prélevé pour l’analyse palynologique.

5.4 État récent du site de Kitngipalak

L’état récent de Kitngipalak (fig. 8) est documenté par Crowell qui a mené un inventaire précis des sites de l’île St. Laurent au début des années 1980 (Crowell 1985:31-36, 112-113).

Fig. 8

Le Monticule 1 présente une surface à 50 % creusée de trous de moins de 100 cm de profondeur. Des coupes intégrales (jusqu’aux niveaux stériles) se développent sur la bordure septentrionale, mais une quantité significative de dépôts intacts existent encore, particulièrement en profondeur. Sur le Monticule 2, les dépôts situés le long de la côte fluent vers la mer ; les fouilles clandestines et l’érosion marine (tempêtes) semblent en être les causes principales. La plupart des fouilles clandestines se font le long de ce front d’érosion, là où le monticule anthropisé est le plus épais. Probablement que la moitié de ce monticule est intact.

Les sites de Kitngipalak voient le début de leur exploitation systématique par les autochtones en 1985 ; comme sur d’autres sites, ils utilisent des pompes et des lances à pression, alimentées en eau de mer, pour faire fondre le pergélisol et pour dissoudre les dépôts.

D’après Crowell, Kitngipalak est un des anciens sites les mieux préservés de l’île, avec d’excellentes potentialités pour étudier des séquences chronoculturelles complètes. Les monticules présentent suffisamment de surfaces intactes pour envisager des fouilles horizontales qui permettraient de comprendre les modes architecturaux et les relations stratigraphiques Le mobilier et les vestiges fauniques sont généralement bien préservés et abondants.

Depuis 1985, date de la publication de Crowell, aucune information sur l’état du site n’a été rapportée.


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Last updated: 13-04-2001